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En vacances à Chamonix, dans une période de froid rigoureux, je cherche, comme quantité de touristes, de skieurs, de professionnels des métiers de la montagne à savoir quelle est la température locale. Pas possible sans payer. Tout cela je le sais depuis longtemps, je le déplore et le condamne. Un besoin un peu plus aigu me fait rédiger ce billet d’humeur. Alors que chez nos voisins Suisses toutes les observations sont accessibles par le web, actualisées toutes les 10’, en France il faut se rabattre sur la bonne volonté et l’inventivité des sites amateurs, qui font d’ailleurs avec passion un énorme travail et rendent plein de services que l’organisme public laisse en jachère. Il n’est absolument pas normal, à l’instar de ce qui se fait dans plein de pays – l’exemple le plus illustre étant les USA, pourtant « ultralibéral » - que le contribuable n’ait pas de retour gratuit sur ses investissements, que ce soit en observations classiques, images satellitaires, échos radar, données brutes des modèles… De mon point de vue, Météo-France ne devrait pas s’obstiner à vendre les données brutes mais seulement des services (mise en forme spécifique pour telle ou telle entreprise, avertissements pour dépassements de seuils, prévisions sur mesure, équipement en matériels appropriés, formation, suivi…). La
France est sans doute le seul grand pays
en matière de prévision numérique à ne pas rendre
ses sorties de modèles accessibles gracieusement.
Pourquoi le seul ? Pourquoi ce
malthusianisme ? Pourquoi cette paranoïa de
la fuite des données vers des officines plus ou
moins bien intentionnées ? C’est d’abord,
comme je l’ai déjà signalé, un refus injuste de
retour gratuit vers l’investisseur. Et puis, c’est
d’une maladresse confondante. La plupart des
données on les obtient sur le web, par
d'autres canaux plus ou moins détournés. Ce discours je le tiens depuis bien longtemps, bien avant que je sois à la retraite, ce qui libère ma parole publique. J’ai préconisé, dès la fin des années 90, d’ouvrir le site web de Météo-France, d’en faire une véritable « vitrine » des compétences, du savoir-faire. Parce que c’est un dû, parce que c’est bien plus sympa et potentiellement riche de commandes que le repli boudeur. Alors, me répondait-on, on va y perdre des recettes. Ma réponse : la publicité. Et je crois avoir préconisé cela avant que Google ne prouve qu’on pouvait faire fortune ainsi, discrètement, en rendant de multiples services. Ma stratégie était la bonne puisque Météo-France a largement ouvert ses pages à la publicité – parfois trop agressive d’ailleurs -, il y a 3 ou 4 ans. Puisque mon objet est l’observation, pourquoi ne pas la rendre accessible sans débourser, en l’accompagnant de publicité ? Les voisins helvétiques la fournissent sans, mais bon, ce serait a minima un progrès considérable avec. Je suis persuadé que ces informations deviendraient rentables, bien plus que maintenant, où, payantes, elles ne doivent guère être consultées que par des passionnés ou de rares clients initiés. L’accès en temps réel aux observations faites par les stations automatiques (température, vitesse et direction du vent, humidité…) de Chamonix/Bois-du-Bouchet (1 050 m), du Lac Blanc (2 330 m), de l’Aiguille-du-Midi (3 850 m) intéresserait à coup sûr beaucoup d’usagers. Ce serait un plus d’image pour le centre météo, un plus de sécurité aussi. On peut d’ailleurs imaginer toutes sortes de présentations captivantes et efficaces en utilisant cette spécificité de stations automatiques (fonctionnement H24) pertinemment étagées à 3 niveaux stratégiques. On passerait ainsi de la clandestinité improductive à la transparence utile et… rentable. Les mesures de la station du Bouchet devraient être complétées, au moins toutes les 3h (toutes les heures de préférences) par des compléments humains comme le « temps sensible » (brouillard, pluie, neige, orage, avec précision sur l’intensité), l’ « état du ciel » (nature, quantité, niveaux des nuages), la « visibilité ». Toutes les autres stations de France tenues par des professionnels (Grenoble exceptée, autre anomalie insupportable pour la 13ème agglomération du pays) font des observations complètes, chaque heure, durant les vacations (le jour à Chamonix), pourquoi certaines, hautement stratégiques, ne participent pas à la collecte ? La mutualisation des observations, les réseaux solidaires sont à la base du métier de météorologue. Ne pas remplir ce devoir, cette mission est inadmissible. Il est cocasse – et très triste – de constater que c’est la météo privée de l’Office du Tourisme (je développerai prochainement) qui fournit ces informations 2 fois/jour… Au passage, comment comprendre aussi que même les bulletins triquotidiens du CDM chamoniard ne fournissent pas de données observées sur les températures, sur les quantités de neige fraîche ou de neige totale à Chamonix ? Très facile à obtenir, et cela intéresserait bien plus les touristes que nombre de détails futiles et inutiles. Encore un thème à développer : le contenu des messages de prévision. C’est d’ordre national. J’ajoute, à décharge des CDMs, que la hiérarchie administrative ignore comment fonctionne dans le détail ses services déconcentrés, n’a pas donné de consignes pour gommer ces lacunes (pas les seules !), n’a pas de connaissance précise des besoins des usagers. Et cela malgré une longue démarche Qualité. Plus généralement, la nuit pose en France des problèmes de présence des observations humaines (données estimées, car toutes ne sont pas encore accessibles aux automates – Annecy/Meythet dispose pourtant d’une station automatique qui fournit le « temps sensible », pourquoi pas Chamonix, pourquoi pas Grenoble/Le Versoud ?) : les CDMs (Centres Météo Départementaux) ne travaillent pas la nuit. Les pays voisins ont trouvé des solutions… Bref, pourquoi ne pas faire appel, comme je l’ai préconisé de longue date, à des professionnels obligés d’être sur le terrain H24, et eux-mêmes concernés au plus haut degré de sécurité par les conditions atmosphériques. Je pense notamment aux sociétés autoroutières dont les multiples « Centres d’Entretien » pourraient justement et fort utilement (pour eux-mêmes, pour tous) compléter le réseau officiel nocturne assez aveugle. Il n’est pas difficile d’utiliser le code OMM (Organisation Météorologique Mondiale) pour signaler au moins les intempéries comme le brouillard, la pluie, la neige, l’orage. Très simple à mettre en place. Et ce serait tellement efficace ! |
Je considère que mon rôle de pionnier,
mon expérience m’autorisent – me légitiment - à
exprimer mon point de vue, fût-il parfois
impertinent. Etant resté passionné, donc plutôt
bien au courant de l’évolution de Météo-France,
je me dis aussi que me taire devient une sorte
de complicité vis-à-vis de comportements que je
déplore, qui sont, de mon point de vue, néfastes
pour les acteurs de la vie montagnarde. Je crois
pouvoir prétendre avoir fait de mon mieux, avec
les outils d’alors, pour la sécurité des
alpinistes, skieurs et touristes, pour avoir
encore envie d’améliorer leur sécurité. Ce n’est
qu’affaire de bonne volonté, très peu d’argent. La situation à Chamonix est parfaitement
ubuesque.
Déjà,
le transfert de la station météo à Chamonix Sud
fut une énorme erreur. C’était tourner le dos à
la mission initiale, spécifique : la proximité
avec l’usager. Comment mieux la servir
que dans la Maison de la Montagne, créée par Gérard
Devouassoux en 1971 ? Celle-ci est
idéalement située, au cœur de la ville, au cœur
de l’activité alpine (Cie des Guides, ESF, OHM).
Le regretté Gilbert Chappaz, guide émérite,
ancien guide-chef,
au langage très imagé, m’a dit un jour sur un
trottoir, lors d’un échange impromptu, quelques
mois après le déménagement : je ne
comprends pas Météo-France, quand un chirurgien
fait une opération, il remet le cœur à sa place,
pas au pied. J’avoue avoir eu peur qu’il ait pu
croire que j’avais la moindre responsabilité
là-dedans, puisque, exerçant à Grenoble,
il pouvait penser que j’étais le supérieur
hiérarchique direct du Centre de Chamonix (CDM74).
En réalité, avant même que le projet
prenne corps, j’avais exposé mon point de vue au
Directeur
régional de l’époque, à Lyon.
Pour moi, il était impératif de garder le
cap : le contact direct. Certes, les
tâches de la station ayant pris de l’ampleur, il
fallait trouver un moyen de libérer le
prévisionniste de l’accueil pour qu’il puisse
sereinement se consacrer à son travail. La
solution que je préconisais : un
prévisionniste affecté au contact, au moins
durant les saisons de haute fréquentation, par
rotation, avec le matériel approprié (réception
des images satellitaires, panneau d’affichage),
pour commenter, expliquer, écouter aussi,
tellement il est primordial que l’échange soit
bidirectionnel, pour l’enrichissement mutuel, la
bonne connaissance des besoins des uns, des
limites des autres,. Oui mais, on n’a pas les
moyens, répondit-il. Si on le veut, c’est tout à
fait possible, répliquais-je. Il suffit
d’obtenir des aides de plusieurs
sources concernées : Défense
(PGHM, EMHM), Tourisme, Jeunesse & Sports,
Région, Département, Mairie… La
situation stratégique de Chamonix, la
sécurité, l’opportunité de faire de la pédagogie
aux foules qui passent ici, justifient
parfaitement cette expérimentation. Mais comme
ce directeur avait donné pour consigne de ne
plus répondre au téléphone, de fermer la porte
(le répondeur automatique étant fait pour
satisfaire toutes les questions…), cette
ambition lui passait complètement au-dessus de
la tête. Malgré un renfort en personnel au fil des années (environ 8 agents), l’Office du Tourisme ne put jamais obtenir un bulletin régulier en anglais du CDM, la moindre des corrections vis-à-vis du public étranger, et aussi une sécurité améliorée pour ces usagers (trop facile de dire ensuite : ils partent sans s’informer…). De plus, la politique commerciale étrange de Météo-France devint tellement exigeante et inconséquente* que l’Office créa sa propre station de prévision vers la fin des années 90. Ainsi, paradoxalement, la seule grande station touristique en montagne qui possède un centre météo a été obligée de monter son propre service de prévision du temps (on pourrait y détecter un conflit d’intérêt, si les bulletins n’offraient pas une évidente impartialité). Qui le sait ? Les bulletins venant du CDM74 et de l’OT sont fréquemment affichés côte à côte, sans que personne ne se doute d’une origine différente. Sur le web, dans les hôtels, au chalet du CAF… c’est le bulletin gratuit de l’OT qui cartonne puisque celui de Météo-France est payant. Quelle confusion ! Quelle légèreté aussi quand on connaît l’impact vital de la météo dans un massif aux courses exposées ! On marche sur la tête !... En juillet 2009, suite à des grosses difficultés pour des alpinistes au Mont-Blanc, une polémique éclata dans la vallée. La météo officielle s’en prenait à la météo de l’OT, l’accusant d’incompétence, donc de dangerosité. Mais à qui la faute cette situation ? Par hasard, je rencontrai le directeur de l’OT en août. J’évoquais l’affaire et lui dis que je lui donnais raison. L’OT comble les lacunes de service public que le CDM a laissé s’installer (affichage, anglais, gratuité…). Pour faire un peu
de prospective, il serait assez facile, et
relativement peu coûteux, de créer ce fameux poste de
prévision d’accueil que je
préconisais naguère. Il suffirait de détacher,
à tour de rôle, un prévisionniste au Météosite de
la Maison
de la Montagne. Certes la fonction
d’information est tenue depuis une bonne
dizaine d’années (sauf erreur de ma part, car
je ne connais pas ces détails), par une jeune
personne, qui a reçu une formation rapide par
Météo-France,
à Toulouse. Pour l’avoir
subrepticement vu œuvrer, tout au début, je
suis convaincu qu’elle fait son travail avec
beaucoup de bonne volonté et sûrement une
maîtrise affirmée par les années. Une
complémentarité est sûrement possible, tant
les besoins sont grands, au moins durant
l’hiver et l’été. J’ai donné plus haut des
pistes pour financer le poste supplémentaire
de prévisionniste que l’opération
nécessiterait. Je reviendrai plus tard sur le contenu
des bulletins.
*Le Conseil
Economique et Social a évalué, dans un
rapport de 1985, que la Météorologie Nationale
rapportait (en victimes et dégâts évités) 12
fois les investissements. Une étude
récente de l’OMM (Organisation Météo
Mondiale) a trouvé un ordre de grandeur
équivalent. Belle rentabilité ! Tant
mieux ! Mais alors, donnons toute sa place
à la
prévention (c’est en vaccinant
gratuitement qu’on combat les maladies en amont,
qu’on fait au total des économies).
Personnellement, j’estime depuis longtemps que
l’accès au web, aux répondeurs devrait être
gratuit, aux frais de mise à disposition près. Météo-France,
au carrefour de tous les besoins, devrait
pouvoir assez facilement compenser ces
« pertes » (pour l’Etablissement, mais
des gains pour la collectivité) par des ventes
aux multiples entreprises, aux services de toute
nature, dans toutes les activités, qui ont
besoin d’applications spécifiques, sans compter
les recettes publicitaires que le web peut
générer. |
Ouverture de la saison estivale à Chamonix, en 1974 : De gauche
à droite,
. un guide . le météo de service pour 2 mois non stop (6 étés de 1969 à 1974) ; . Gérard Devouassoux, guide, grand alpiniste, adjoint au maire Maurice Herzog, créateur de l'Office de Haute Montagne dans la Maison de la Montagne (ancien presbytère) ; . Félix Martinetti, ex-guide brillant (très belles premières à son actif), en retraite, tailleur à Valréas, guide-conseiller de l'OHM ; . sa femme ; . Jean-Jacques Mollaret, capitaine de la compagnie de Gendarmerie de Chamonix, ex-patron du PGHM (secours en montagne), un homme exceptionnel, mort dans une avalanche quelques années plus tard, dans les Alpes du Sud, après un passage à la Réunion, où il créa la Maison de la Montagne de Cilaos ; Pour la petite histoire, Gérard Devouassoux arrosait aussi l'expédition "Kriter" (d'où les bouteilles) des guides chamoniards qu'il allait commander à la conquête de l'Everest dans les semaines à venir. Une avalanche le surprit dans son sommeil à un camp relais. Avec le sherpa qui l'accompagnait, on ne les a jamais retrouvés. Très grande perte pour Chamonix... |
C'est
péremptoire, comme trop souvent un titre qui se
veut accrocheur. Rien à voir, donc, avec l'état
d'esprit qui sied à la démarche scientifique :
l'humilité, le doute. L'expert de Météo-France
consulté aurait répondu ainsi : «A priori, on
ne peut faire aucun lien avec le changement
climatique. La tempête de ce week-end rentre
dans la variabilité naturelle du climat.»
L'ingénieur
n'a
pas tort, puisqu'en l'occurrence rien,
aujourd'hui, n'est démontrable de façon sérieuse,
solide. Ce n'est pas pour autant qu'il a raison.
Et cette petite phrase, l'essentiel, sortie du
contexte, devient le titre qui percute et qui
fausse un peu le débat. Une hirondelle ne fait pas
le printemps, un expert ne détient pas la vérité à
lui seul. Certes, l'opinion est entourée de
précautions. Elle laisse des portes ouvertes à
d'autres explications. "A priori", espace
ouvert au "A
posteriori", de la démonstration future,
éventuelle, scientifiquement argumentée. Nous
sommes ici au niveau de l'"impression"
personnelle, donc éminemment subjective.
Eh bien,
sans être ni plus ou moins expert que cet
ex-collègue, j'avancerai une interprétation moins
distante. Le "réchauffement" est une réalité
incontestable (les records tombent depuis 30 ans),
et non contestée (ce qui l'est, par contre, c'est
sa ou ses causes). Les conséquences en sont
multiples, parfois graves, parfois heureuses
(certaines régions du globe ont moins froid, leurs
habitants ne s'en plaignent vraisemblablement pas,
sauf cas particuliers). On sait que la faune et la
flore en sont affectées, que des espèces
abandonnent des territoires pour en abandonner
d'autres, sur terre comme en mer. Les lignes
bougent, c'est incontestable, celles des
glaciers notamment.
Côté
météo, on constate une multiplication des
phénomènes violents (cyclones, sécheresses,
inondations, surchauffes ou refroidissements
intenses - oui, le réchauffement, par les
déséquilibres qu'il provoque, peut aussi se
manifester, paradoxalement, par des périodes, des
saisons froides sur de vastes espaces). Il y a
peu, un cyclone s'est formé non loin des côtes du
Brésil,
alors qu'ils y étaient jusque-là inconnus. L'année
dernière, un autre a pris naissance au large du
Portugal. Encore un évènement tout à fait
insolite. En France, en 10 ans, nous avons subi Lothar
et Martin,
fin décembre 1999, puis Klaus en janvier 2009,
ravageur dans les Landes, Xanthia
aujourd'hui. Toutes des tempêtes exceptionnelles
(et n'oublions pas le pendant de l'excès de "beau
temps" de l'été 2003), dont la "durée de retour",
comme l'on dit, est au moins de l'ordre du siècle
(ce qui signifie qu'on les rencontre "normalement"
pas plus d'une fois tous les 100 ans). Je me
souviens d'un maire de la Vallée du Rhône qui, au
début des années 90, avait utilisé cette formule
dans les médias, lors d'un automne de pluies
intenses et dévastatrices : "maintenant, nous
avons des précipitations décennales toutes les
semaines." Eh bien, nous en sommes là : maintenant,
nous avons des tempêtes séculaires presque tous
les 2 ans.
Alors,
je dis que cela fait trop de coïncidences. Sans
nier la variabilité inter-annuelle qui fait de
notre climat tempéré un peu une fiction, guère
plus qu'une moyenne d'épisodes de beau ou de
mauvais, de froid ou de chaud, mon opinion est que
la nouvelle fréquence, très insolite et très
préoccupante, de ces tempêtes extrêmement
violentes, est très probablement liée au réchauffement.
Une tempête, aussi exceptionnelle soit-elle, prise
isolément, rentre effectivement dans le cadre de
la variabilité naturelle du climat, mais quand
elles s'accumulent il faut modifier l'angle de
lecture... et la formule d'interprétation. Ce
n'est pas une démonstration, c'est plus qu'une
intuition, c'est le constat de la simultanéité
troublante de phénomènes nouveaux, qui
déséquilibrent notre climat d'ordinaire moins
agressif.
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Déjà, je conteste l'utilisation
du terme "vigilance".
Une mise en vigilance recouvre pour moi
l'attention qu'on attire sur un risque potentiel.
Ce n'est qu'une étape de mise en condition du
public, et, pour les services de sécurité,
l'occasion de serrer les derniers boulons. Le
temps fort de la mobilisation de tous devrait être
l'"alerte",
mot beaucoup plus fort. Après la préparation dans
un contexte de risque probable, on passe à la
phase active lorsque la dangerosité de l'évolution
est confirmée, hautement probable. En somme, je
verrais bien 2 phases dans le dispositif de
prévision des risques : la mise en vigilance
et l'alerte.
Les modèles sont d'une fiabilité telle, désormais,
qu'il me paraît possible de dissocier ces deux
degrés, en adoptant une progression analogue à ce
qui existe dans les îles pour le risque
cyclonique. Récemment, deux vigilances
ont été spectaculairement et efficacement
réussies. Une annonce de verglas sur la moitié
nord du pays, 24h à l'avance, alors que le ciel
est resté durablement clair sur le secteur menacé
avant l'arrivée de l'aggravation nuageuse puis
pluvieuse, l'annonce de Xynthia, deux jours
avant, alors que, sur place (notamment dans les
secteurs qui allaient être sinistrés), c'était le
calme trompeur précédant le déchaînement des
éléments. Deux cas où le dispositif fut tout près
de la perfection. Un progrès encourageant après
toutes ces vigilances tardives, trop tardives,
parfois même sur constat (la vigilance part de Météo-France
quand les prévisionnistes détectent un danger qui
vient d'éclater). Le public et les médias sont
d'ailleurs d'une tolérance confondante. Souvent,
dans les JT, évènement et vigilance sont annoncés
simultanément. Et tout le monde d'applaudir, sans
autrement s'interroger sur la finalité de la
prévision : prévenir aussi tôt que possible. Je
n'ignore pas, bien sûr, que malgré les
extraordinaires progrès prévisionnels la nature
réserve encore des surprises, que, notamment, le
risque orageux reste compliqué à maîtriser, que
ses déclenchements localisés, impromptus,
violents, dévastateurs, ne sont pas rares, et
qu'il n'existe guère de parade contre cela. Déjà,
ce serait un pas en avant, de séparer, comme je
l'ai préconisé maintes fois, les situations
orageuses en trois grandes catégories : les "orages de beau
temps" (expression apparemment paradoxale
qui recouvre les orages isolés d'évolution diurne,
et qui ne sont pas les moins sévères, loin de là),
les "orages
de limites de masses d'air" (la
localisation potentielle est déjà plus précise, au
voisinage de la ligne de fracture, assez
facilement repérable et prévisible), les "orages de
plages instables" (dont l'enveloppe
territoriale est généralement fort bien prévue). Pour éviter certaines surprises
(exemple : chutes de neige abondantes, perturbant
sérieusement la circulation, sur les contreforts
nord du Massif Central - autoroute A72 - en régime
de secteur nord, notamment de traîne instable
ou de retours
d'Est), on pourrait, je le crois,
prolonger la solution déterministe du calculateur
par une approche statistique. A savoir, utiliser
les "analogues".
Dès la fin des années 70, j'avais proposé, sans
succès, forcément, que l'on construise, au
quotidien et dans chaque station, une banque de
données des évènements observés (éventuellement
rien). En recherchant dans le passé, avec des
outils statistiques, les situations les plus
proches de celle prévue, on aurait pu dès lors,
avec un patrimoine vécu de plus en plus dense,
faire remonter et utiliser comme "clignotants" des
cas sortis de la mémoire des prévisionnistes. L'EDF, à
Grenoble,
pour gérer le remplissage de ses barrages, a
utilisé depuis les années 70, avec profit, cette
approche pour anticiper les épisodes de
précipitations intenses (cévenols en
particulier). Le Centre d'Etudes de la Neige de Météo-France,
à
Saint-Martin-d'Hères, applique
opérationnellement depuis plusieurs années la
méthode, avec succès, pour affiner la prévision de
distribution des chutes de neige par massifs. Le "pixel" de base de la carte de
vigilance est le département. Qui ne constate
que c'est bien trop grossier au regard des
possibilités actuelles ? Au-delà de cet affichage
peu pédagogique, ne restituant pas la réalité
esthétique des vraies perturbations, ce déficit de
nuance aboutit à des résultats incongrus, comme
des départements pris en sandwich entre d'autres
coloriés différemment, et sans que cela soit
justifié par le contexte géographique, ou bien, en
situation de canicule, l'Isère verte
voisinant le Rhône orange... D'ailleurs, la
dernière canicule a plutôt montré des subtilités
étrangères au vécu des personnes. La très forte
chaleur était installée presque partout, avec
effectivemen des noyaux plus forts, ce qui
n'exonérait pas les secteurs les moins sévèrement
touchés d'adopter aussi les mesures de précaution.
La sensibilité personnelle à ce type d'aléas est
tellement fluctuante qu'elle se moque bien des
arguties technocratiques. Pour reprendre l'exemple
de la canicule de juillet 2009, le résident d'une
cité de
Vienne souffrait tout autant que
celui d'un quartier d'immeubles de Lyon.
Savoir qu'il était en vert et pas en orange ne
devait pas sensiblement réduire son inconfort et
ses besoins en prévention... Le découpage
départemental se justifie certes par
l'organisation administrative de notre pays (Sécurité Civile
d'abord), mais il n'est pas interdit de
réfléchir à des modes de communication plus fins,
à la fois organiquement pratiques et
météorologiquement plus précis. Météo-France alimente en
continu la base Symposium dans laquelle les
départements sont découpés en plusieurs zones
climatiques distinctes (jusqu'à 10 ou plus),
selon la configuration géographique (bord de mer
ou non, altitude, exposition à tel ou tel vent
dominant...). Le calculateur sait prévoir à cette
échelle, alors pourquoi ne pas moduler la
vigilance en conséquence. Nos voisins suisses
affinent l'alerte au niveau de la commune. Parce
que c'est raisonnablement faisable (Arome,
évolution récente du modèle de Météo-France,
utilise une résolution de 2,5 km). La météo hélvétique, encore,
travaille avec une échelle de risque à 5 niveaux,
intégrant "jaune
clair" et "jaune foncé". Encore une
différence de taille avec la présentation
française où le jaune est une sorte de fourre-tout
commode, qui recouvre un éventail de risques bien
différents. Et ça n'est pas anodin. Météo Suisse
complète son dispositif en proposant un abonnement
gratuit,
personnalisé, à ses SMS d'Alerte. Exemplaire ! J'ai
balayé ici les aspects de la Com de la
Confédération ; je suis bien convaincu que, sur le
fond, sa prévision numérique vaut bien celle de
notre pays, à savoir au top. Et puis, je suis choqué de
constater qu'en vigilance jaune Météo-France
dissimule la nature des évènements prévus. J'ai,
dès la présentation de la maquette en 2001*, fait
savoir que je n'étais pas d'accord avec cette
disposition. La mise en ligne de la carte de
vigilance européenne**, il y a 3 ans, je
crois, montre clairement - et assez honteusement,
j'estme - que la France est le seul pays d'Europe à
agir ainsi. Pourquoi ???... Comment peut-on
imaginer que le service public national en charge
de la sécurité des personnes et des biens puisse
rester évasif sur un facteur de risque, même
s'il est de niveau faible (et encore, on a vu plus
haut le cas des orages isolés, éventuellement
intenses, rangés logiquement dans le jaune - je
suppose que nos amis suisses les classent dans le
jaune clair ou dans le jaune foncé, selon le
niveau d'instabilité, mesurable et prévisible) ? A
l'échelle de notre pays, peuvent cohabiter, dans
un même jaune, et donc la confusion, un risque de
fortes
pluies sur l'Aquitaine, un fort mistral
dans la Vallée
du Rhône, des avalanches sur le Nord des Alpes.
Une pratique tellement insolite, opaque, pour ne
pas dire dangereuse, qu'aucun autre pays d'Europe
ne l'applique. |
C'est un peu
comme aux JO,
ou, plus généralement, pour toute activité
maîtrisée ; ça paraît maintenant aller de soi,
tout simple dans la sobriété efficace, comme les
prestations des meilleurs athlètes. C'est cela la
classe ! Ou plutôt, d'abord, l'accumulation de
progrès au long de 40 ans de sophistication. Comme
pour le geste sportif parfait, on est face à une
oeuvre d'art, à une transcendance esthétique. Si dans les 2
à 3 jours, on peut désormais admettre que la
prévision des individus météo (anticyclone,
dépression, fronts) et de leur corollaires (types
de temps : températures, nuages, précipitations,
vents), leur cheminement en lieu et temps, sont
d'une remarquable précision, il me semble que les
tendances (plus chaud, plus froid, amélioration,
aggravation...) sont également très intéressantes,
raisonnablement utilisables, jusqu'à 8 jours,
voire davantage. Quand on connaît la complexité
des interférences à gérer (nous sommes bien loin
du train lancé sur ses rails à une vitesse
connue), je trouve ces résultats vraiment
enthousiasmants. A rendre anachronique le "papillon"
puisque, quoi qu'il fasse, l'ordinateur anticipe
où il va et comment. Ces remarques sont purement
subjectives. Les services météo savent comment
analyser en toute objectivité les performances et
leur progression. Est-ce à dire
que c'est parfait ? Evidemment, non. Rien ne l'est
jamais d'ailleurs (c'est d'un banal !). Car il est
des phénomènes si subtils dans leur comportement
(brouillard, averse, orage, neige ou pluie tout
près d'un 0 °C qui fait la différence pour si peu,
leur intensité, leur localisation...) qu'il n'est
guère possible de fournir plus que des
"enveloppes" qualitatives (ex : orages isolés
probables en fin d'après-midi). Ce qui toutefois
ne manque pas d'intérêt, surtout si on y ajoute
des probabilités d'occurrence : une aide à la
décision à n'en pas douter fort utile. J'y vois une
conséquence à développer : utiliser le temps gagné
par cette massive et précise aide à la prévision
de la technologie pour le consacrer à la
communication, à la prise en charge experte,
personnalisée, des besoins professionnels les plus
délicats (la sécurité des biens et des personnes
étant du ressort de l'assistance standard, de la
mission basique du service public). |
J'ai appris la vente par l'Etat de l'immeuble de Météo-France, sis au 1 du Quai Branly. C'est à cet endroit précis, que, le 1er octobre 1961, à guère plus de 19 ans, j'ai connu mon premier contact concret avec la météo. A cette époque, l'établissement, administration d'Etat, s'appelait encore Météorologie Nationale. Son directeur, depuis 1945, était André Viaut, simultanément président de l'OMM (Organisation Météorologique Mondiale, section de l'ONU, basée à Genève). André Viaut avait gravi les échelons hiérarchiques. Il avait été prévisionniste. Un de ses hauts faits est d'avoir assuré la protection météo du 1er vol transatlantique Est-Ouest, celui de Costes et Bellonte, en 1930, sur "le Point d'Interrogation". Il a rédigé des manuels de météo aéronautique, notamment le Manuel de météorologie du navigant et le Manuel de météorologie du vol à voile. Dans la collection Que Sais-Je ?, il a produit La Météorologie, qui eut un succés non démenti pendant des décennies. Inutile d'ajouter que, pour le jeune provincial que j'étais, la découverte du siège de la Météorologie Nationale reste un souvenir profondément gravé sur mon disque dur. Un souvenir doublé d'une intense émotion, comme tant d'autres sans doute l'ont ressentie. L'immeuble en lui-même n'était pas spécialement beau, encore que majestueux en façade. Il contenait, outre les bureaux de la Direction, le SMM (Service Météorologique Métropolitain), c'est à dire la prévision opérationnelle centrale. l'EERM (Etablissement d'Etudes et Recherches Météorologiques), en partage avec Magny-les-Hameaux. A Trappes se trouvaient le CTM (Centre Technique du Matériel) et la station de Radiosondage. Quant à l'ENM (Ecole Nationale de la Météorologie), que j'allais intégrer le lendemain, elle se trouvait dans les Yvelines, à Bois-d'Arcy, dans le Fort de Saint-Cyr. On prenait les cours sur place, on pouvait s'y restaurer et y dormir, dans de longues casemates, sombres et austères mais tellement sympathiques et... gratuites. L'ensemble parisien, donnant sur l'avenue Rapp et la rue de l'Université est magnifiquement situé, en rive Gauche, juste à côté d'une gare du RER, à un bout du pont de l'Alma, tout près des Champs-Elysées, de la Tour Eiffel, du palais du Trocadéro, du Champ de Mars, de plusieurs ambassades. Cognac-Jay, haut lieu de l'ORTF était à 2 pas. Depuis peu s'ajoute à ce panel prestigieux le déjà célèbre Musée des Arts Premiers. Une vitrine modeste et assez tristounette, dans sa sobriété "scientifique" de l'époque, affichait pour le public de cet espace très fréquenté un ensemble de données mesurées sur place et à la Tour Eiffel, des cartes du temps présent, des cartes prévues (48h au plus !...)... Bref, un emplacement IDEAL. Alors, apprendre que tout cela va disparaître, que l'Arabie Saoudite, et finalement la Russie ont mieux compris que nous que le lieu est hautement stratégique, me fait mal au coeur. Météo-France abandonnera son Histoire dans les années qui viennent pour rejoindre Saint-Mandé, dans un parc où est déjà établi l'IGN (Institut Géographique National). Il y a des raisons à cela, sans doute d'excellentes raisons. Mais en toutes circonstances, il existe souvent des alternatives. De mon point de vue, il fallait absolument conserver un pied-à-terre au quai Branly, ce fleuron, le vaisseau-amiral, pour le siège, pour une cellule multimédia de proximité avec les médias, forcément, mais aussi les autorités, les services météo étrangers, le public. C'était une question d'image (c'est vital l'image ! - on peut vivre sans, mais tellement mieux avec), mais aussi d'efficacité dans les relations avec le monde extérieur, même si Internet a aboli les distances et remplace communément le contact physique par du virtuel ; efficace, mais tellement moins humain, forcément (et l'humain n'apporte-t'il pas un bonus d'efficacité ?). Météo-France a la chance d'être à la croisée de préoccupations modernes cruciales : la prévision du temps, celle du climat, l'environnement. Quand Météo-France soumet son projet de budget à l'Etat, quel ministère n'est pas concerné, ne s'en fait pas l'avocat ? Le public est avide de météo, les entreprises aussi, de toute nature. Pour peu qu'on sache enfin jouer la transparence , ouvrir le site Internet comme sait si bien le faire la NOAAl'Etablissement, de ses aptitudes à bien remplir et vendre des services efficaces, sur mesure. (prévisions mais aussi données d'observation, images satellitaires, images radar, sorties de modèles...), le rendre bien plus proche, bien plus attractif, les recettes publicitaires afflueront encore plus. Les demandes d'assistances spécifiques ne pourront qu'être boostées par cette découverte de la vraie compétence de Oui, je suis triste
qu'une solution alternative de maintien sur site -
au moins partiel, pour l'essentiel - n'ait pas été
retenue. Manque de foi, sans doute...
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Le 10 février 1970,
déferlaient depuis la Sassière sur le centre
UCPA
de Val-d'Isère
deux énormes avalanches qui s'épaulèrent pour
détruire son chalet et ensevelir 39 victimes.
La veille, à Saint-Martin-d'Hères,
où nous n'étions que deux agents et où nous
alternions les semaines de prévision, j'étais
justement de service. A ce titre, j'avais la
charge de rédiger éventuellement un bulletin d'alerte avalanche.
Enfin, un message très sommaire, préparé à partir
de l'analyse d'un réseau d'information en montagne
très limité et selon une méthode encore fort
empirique. A cette époque, le Weissfluhjoch suisse,
au-dessus de Davos, était le seul service de
suivi et d'alerte vraiment performant. Le Centre d'Etudes
de la Neige de la Météorologie Nationale,
créé à la fin des années 50, disposait encore d'un
effectif et de moyens réduits au col de Porte
et à Grenoble,
sur le Campus,
dans les locaux duquel l'Antenne météo était
hébergée. La catastrophe allait au moins avoir un
résultat positif, donner un essor décisif aux
recherches sur la neige dans notre pays, au point
que le CEN
est devenu, en quelques années, sans doute leader
mondial dans la spécialité, notamment en
modélisation de l'état du manteau neigeux et de la
simulation tout à fait spectaculaire et efficace
de son évolution.
Donc, ce lundi 9 février, je
vois progresser par le NW une perturbation, une
nouvelle, car depuis la mi-janvier elles
s'accumulent. Des vents forts l'accompagnent, et
je me méfie beaucoup de l'"effet orographique",
qui dope les intempéries en montagne. Il me semble
que cette situation mérite une alerte pour les
autorités et les stations de ski. Mais,
préalablement, il me faut obtenir le feu vert de Bron qui
nous supervise et qui, de toutes façons, dispose
seul des moyens de diffusion. En cours
d'après-midi, j'appelle donc le Centre régional. Là,
l'ingénieur, chef de la Prévi, me dissuade de
préparer un message. Il ne reste plus qu'à
appliquer les consignes... Pour couper court à
toute interprétation fallacieuse, je me dois
d'ajouter que ce collègue, après comme avant cet
échange, fut constamment à la fois compétent et
fort agréable. Ce jour-là, sa préférence ne fut
pas chanceuse ; aucune conséquence ne peut en être
tirée (il serait parfaitement malhonnête d'évaluer
qui que ce soit sur un cas isolé). Pour chaque
prévi, les coups heureux ou malheureux étaient
monnaie courante à cette époque privée de support
numérique.
Le lendemain, à mon réveil,
je vois bien qu'il a beaucoup plu dans la nuit sur
Grenoble
; visa ou pas, je suis décidé : je le rédigerai ce
bulletin d'alerte, je l'enverrai à Bron,
ils en feront ce qu'ils voudront. Aussitôt arrivé
au bureau, vers 8h, j'examine la situation. Je
n'ai pas encore les retours des quelques
observateurs qui font quotidiennement des mesures
pour nous en montagne, mais je commence la
rédaction. Je ne vais pas bien loin... Un collègue
du CEN
entre dans le bureau. Ils nous apprend la terrible
nouvelle : une avalanche meurtrière est tombée
sur Val...
L'alerte devient instantanément sans objet,
grotesque...
Les nouvelles qui nous
parviennent par la radio gonflent d'heure en heure
le nombre des victimes. L'après-midi, Roger Clausse,
ingénieur en chef, patron de MN/RE (service des
Relations Extérieures, autrement dit le
porte-parole de la Météorologie Nationale) me
demande au téléphone...
Roger Clausse était un
ingénieur à l'ancienne, érudit, qui a gravi les
échelons, qui devait être le numéro 3 ou 4 de la Météorologie.
Il a fait beaucoup de prévision. Il a écrit
plusieurs manuels pédagogiques de météorologie
générale, de météo marine, pour les enfants aussi.
A son poste, il était le correspondant des médias,
il supervisait en particulier la coopération avec
le Centre
des Glénans (formation des jeunes à la
navigation de loisir), dans le Golfe du
Morbihan. Il a fut le maître d'oeuvre de
l'assistance météo aux JO de Grenoble, en 1968, où
l'équipe de France de ski alpin a particulièrement
brillé, et Jean-Claude
Killy réussi l'exploit de cumuler 3
médailles d'or, grand schelem, jamais renouvelé
depuis. Roger
Clausse était à l'origine de la station
météo de Chamonix, en
répondant à la demande de Maurice Herzog,
député-maire de la ville, soucieux d'améliorer la
sécurité dans le Massif. Des porte-parole de sa
trempe, il y en eut peu, le dernier étant Georges
Dhonneur, qui termina sa carrière avec
les JO
d'Albertville, en 1992. Depuis ???...
L'été précédent, le directeur de MN/RE
était venu faire le bilan de la première
expérience mondiale de météo montagne sur mesure,
au coeur de l'activité alpine, à Chamonix.
J'en étais l'animateur. Il était arrivé fin août.
Il m'a dit, après, combien il fut étonné, choqué
et inquiet, de ne pas être accueilli en gare, et
de la réserve des Chamoniards à son arrivée à l'Office du
Tourisme, où j'exerçais. Il avait
l'habitude qu'on lui déroule le tapis rouge ! Moi,
par inexpérience du protocole, et parce qu'il
fallait que je produise ma prévision de
l'après-midi, je n'avais pas bougé. Et puis, il
découvrait que les Chamoniards ne sont pas
exubérants. Un peu plus tard, au sortir de la
réunion, il était rayonnant : l'expérience était
un vrai succès ; tous autour de la table avaient
multiplié les commentaires de satisfaction. La
reconduction du test pour l'année suivante était
expressément souhaitée par toutes les composantes
de l'activité alpine et touristique. Roger
Clausse me rapporta au dîner la
fluctuation de ses sentiments, car il avait
accepté de le partager avec nous, dans le chalet
que nous avions pu louer cet été-là, à un prix
amical, en y engloutissant les frais de
mission - avec plaisir.
Mais en ce jour de tragédie
où la météo s'est "plantée", le ton est bien
différent. Roger Clausse n'est pas du tout
de bonne humeur, forcément. Mais pourquoi
n'avez-vous pas lancé d'alerte ? me
questionne-t'il sèchement. Et là, je joue
l'imbécile, je vais chercher des arguments tordus,
comme on le fait avec les gendarmes quand on a
vraiment fait une faute et qu'on essaye de
s'inventer des excuses. Je bredouille : d'abord je
ne suis pas assez compétent, nous manquons de
moyens... C'est un peu vrai, pour les moyens, un
peu moins pour la compétence puisque j'ai été
formé en nivologie,
que je participe même à la formation de nos
correspondants observateurs. Pourquoi cette
défense maladroite, et surtout cette abnégation ?
Un réflexe. Parce qu'il n'est pas dans ma culture
de dire "c'est pas moi, c'est lui". En somme, "je
couvre mon supérieur". Mais ma petite notoriété
naissante en prend un sacré coup...
La France est secouée. La
TV programme, quelques jours plus tard, une
émission spéciale (Les Dossiers de L'Ecran me
semble-t'il), où le ban et
l'arrière-ban des experts sont présents. Sûr que
pour Roger
Clausse, invité, naturellement, la
situation eut été bien plus confortable s'il avait
pu produire en public la fameuse alerte avortée.
Mais la mort de tous ces jeunes vacanciers n'aura
pas été complètement inutile, puisque le
gouvernement charge la Commission Saunier d'une
mission d'enquête et de propositions. M. Saunier
est un préfet. Autour de lui de brillants
spécialistes. De mémoire : Louis Néel, du CEA/Grenoble,
prix Nobel
de Physique, Roger Frison-Roche, Jean Franco,
directeur de L'ENSA (Ecole des guides et moniteurs
de ski de Chamonix), brillant alpiniste, ayant
notamment à son actif des "premières" audacieuses
au Makalu
et au Jannu
(chef d'expédition à chaque fois), Louis de Crécy, ingénieur
en chef au CEMAGREF
de Grenoble, Paul
Perroud du CEA/Grenoble, Philippe
Traynard, universitaire, président du CAF...
Elle déboucha vite sur la création de l'ANENA
(Association pour l'Etude de la Neige et des
Avalanches), qui regroupe et anime la synergie de
tous les acteurs concernés. Cette mobilisation des
compétences et la détermination politique ont fait
de notre pays un des tout premiers, sinon le
premier, en matière de prévention du risque
avalancheux.
De cette péripétie, je n'ai
pas reparlé durant vingt ans, jamais avec mon
interlocuteur lyonnais. Comme j'ai entretenu avec
Roger
Clausse une correspondance durable - oh !
seulement un échange de voeux au Nouvel An,
jusqu'au début des années 90 ; je lui devais bien
cette politesse après l'heureuse épopée Chamonix
-, je lui ai enfin "lâché le morceau". Il n'a pas
réagi, j'en fus contrarié. Très âgé, malade, il
décéda quelques mois après. Sans doute, avait-il
évacué de ses centres d'intérêts ces souvenirs
professionnels. Dix ans plus tard, j'ai évoqué
cela avec des responsables de Météo-France, des
collègues "amis". Leur indifférence m'a consterné
("c'est de l'histoire ancienne..." certes ; mais
l'auraient-ils écrite pareillement ?).
Une alerte à temps
aurait-elle changé quelque chose sur le terrain,
sauvé des vies ? Evidemment non. Elle aurait
forcément été assez vague, en tout cas pas ciblée
sur un couloir particulier. A ma connaissance,
cette précision reste impossible aujourd'hui
encore, même si la recherche progresse. Val-d'Isère
n'imaginait pas, à l'époque, qu'une telle
catastrophe était possible, sinon, déjà, l'UCPA ne
se serait jamais installée dans ce chalet. Les
progrès considérables réalisés depuis consistent
notamment en une cartographie précise des couloirs
à risques (CEMAGREF),
en rassemblant quantité de moyens d'investigation
modernes et la compilation des témoignages du
passé.
Personne ne
m'a jamais rien reproché par la suite. Je n'ai
été en aucune manière sanctionné. Par contre, il
me paraît vraisemblable que la connaissance de
la Vérité aurait représenté un bonus sans doute
porteur sur mon CV...
|
Ingénieur, il fit partie de mon équipe
durant près de 20 ans. C'était un très bon
prévisionniste météo, c'était aussi un excellent
nivologue, qui me bluffait par la finesse et la
justesse de ses bulletins d'avalanche.
Personnellement, si je trouvais la nivologie
passionnante en tant que science - et Dieu sait
que les progrès de sa connaissance intime ont
progressé, grâce aux avancées du Centre d'Etudes
de la Neige de Météo-France, à St-Martin-d'Hères - je
n'avais pas beaucoup de sympathie pour cette
discipline dans son versant opérationnel. Pourquoi
? Voici. En météo, il existe des périodes
difficiles, où les évènements vous glissent entre
les doigts, insaisissables... Je me souviens de
ces fins d'après-midi où, à Chamonix, sans autre
aide, bien fragile, que mes souvenirs incertains
de situations passées, j'avais envie de rédiger
ainsi mon bulletin : on verra bien demain. Il
existe effectivement des contextes pourris, des
régimes de SW instables, des "marais barométriques"
maléfiques, des flux de "traîne" capricieux, où
on sent qu'on n'a plus la main (d'où ma longue
revendication d'un "indice de confiance",
appréciation subjective par rapport à son propre
pronostic, "aide à la
décision" délivrée au destinataire pour
qu'il perçoive, immédiatement, l'aisance ou la
perplexité du rédacteur). Mais, a contrario, un
jour survient une "situation béton", un "temps de
curé", une "tempête de ciel bleu", où on peut se
lâcher, faire le cadeau du "Grand beau" aux
usagers. Une respiration qui fait du bien à tous.
Pouvoir faire plaisir à l'autre, n'est-ce pas la
plus grande satisfaction ? En nivologie, rien de
tel. Dès qu'il y a de la neige, il faut se méfier.
La montagne enneigée est merveilleuse, mais aussi
mystérieuse, sournoise même. Alors, par
précaution, et d'abord parce que c'est la réalité,
durant toute la saison "hivernale" (jusqu'au
randos de mai), il n'est pas possible de libérer
son texte, d'annoncer que "c'est tout bon".
Toujours une "plaque" enfouie, par ci par là,
inconnue, tapie... Le grand spécialiste suisse du
Weissfluhjoch,
André Roch disait
: vous êtes expert, mais la montagne ne le sait
pas. De fait, même les meilleurs peuvent se faire
prendre, s'ils ne sont pas constamment vigilants.
Jacques
maîtrisait bien ces arcanes. Grand sportif,
passionné de ski de rando, il conjuguait théorie
et pratique skis aux pieds. Son efficacité, il la
devait à ses connaissances théoriques affirmées, à
son expérience, à son amour passionné de la
montagne. Il s'était fait prendre une ou deux fois
par une coulée. Et pourtant, cet anxieux
retournait là-haut, aimanté.
Ce fut une chance pour moi de pouvoir
lui confier la responsabilité de la "cellule nivo"
de St-Martin-d'Hères. Il
s'acquittait excellemment de cette fonction,
respecté par les agents de son équipe : la
compétence ne ment pas...
Jacques
était un écorché, un susceptible. Fonctionnant sur
le même mode, j'avais appris à ne pas dépasser la
ligne blanche qui le faisait se cabrer. C'était
d'ailleurs réciproque. Nous étions
complémentaires. Je lui dois cette reconnaissance
de m'avoir souvent demandé mon point de vue sur
telle ou telle situation météo. Je sais qu'il
appréciait mes analyses, comme j'étais
impressionné par la pertinence des siennes pour ce
qui concernait la neige.
C'était de plus un excellent rédacteur.
Il aimait écrire, il avait le sens du mot juste,
de la formule appropriée. Très cultivé, sans
ostentation, il a, selon les rumeurs, écrit
incognito des romans policiers. C'était sa part de
mystère...
Jacques
entretenait dans les milieux montagnards sportifs,
un discret mais efficace réseau de connaissances.
Quoique appréhendant l'exercice, il aimait à
intervenir dans les médias où son aisance
pédagogique était reconnue. Fort de tous ces
talents et d'une solide maturité professionnelle,
il avait obtenu sa mutation au CEN,
pour le poste de chargé de communication, ce qui
incluait l'évolution du contenu et de la
présentation des bulletins avalanche, notamment
sur le web, et les relations avec les services
étrangers équivalents. Heureusement, je fus privé
peu de temps de ses compétences, puisque moi-même
je pris mon envol pour d'autres cieux quelques
mois plus tard.
Je me souviens de cette anecdote où ne
le voyant pas arriver au bureau, je devins
inquiet. Au point de téléphoner à sa compagne,
très surprise et un instant alarmée. Pour ce
qu'elle savait, ce jour-là il partait en mission à
Lyon.
Confus, ce souvenir me revint. J'avais oublié...
Le lendemain, Jacques me fit savoir que l'incident
ne lui avait pas plu du tout. A juste titre !
Et puis,
j'aurai l'occasion de revenir sur ce point que
je considère comme très important, il fut le
seul à me soutenir lorsque j'affirmais que la
mission du prévisionniste ne s'arrête pas au
dernier point de son bulletin, mais que l'on
doit aussi à l'usager des commentaires, des
compléments adaptés à son contexte, à ses
préoccupations, bref des conseils spécifiques
experts. Dans ses relations avec les maires des
communes de montagne, il tenait à ce dialogue, à
ce rôle de conseiller avisé. Un maire
n'est pas forcément qualifié en tout. Beaucoup,
très certainement, ont apprécié cette
disponibilité qu'il avait pour essayer
d'examiner avec son interlocuteur les solutions
qui pouvaient être adoptées pour prendre telle
ou telle mesure d'interdiction de circulation,
voire d'évacuation. Charge extrêmement lourde où
un soutien solidaire n'est pas superflu.
J'appelle, profitant de ces considérations, à
réfléchir au poids des responsabilités des élus,
des services de sécurité, du préfet lui-même. Et
notamment ceci : s'il est relativement facile de
décider de fermer une route ou de faire évacuer
un hameau menacé, il est bien plus difficile de
lever les restrictions. La prudence exige
d'attendre une consolidation avérée (mais à quel
instant l'est-elle vraiment ?...), la pression
des citoyens contraints, de plus en plus
impatients, voire révoltés, agit exactement en
sens inverse...
|
En 1969, je commence, le 1er juillet,
une nouvelle carrière, au contact des
utilisateurs, au "front", pour respecter ce
langage martial que les météorologistes norvégiens
des années 30 (la prestigieuse Ecole de
Bergen) ont retenu pour décrire les
affrontements atmosphériques. Pas de conflit à Chamonix, la
plupart du temps, du moins entre les personnes,
et, lorsqu'ils s'en présentent, très rarement, ils
ne sont que verbaux. Par contre, conflits
d'intérêts fréquents, forcément, entre les
professionnels de la montagne et le météo néophyte
qui, à son corps défendant, donne un coup de pied
dans la fourmilière des habitudes. Jusque-là, en
effet, le guide
fait la loi dans ses rapports avec le "monchu"
qui souhaite l'engager pour faire une course. Et
c'est bien normal. Le guide est dans son
fief, il connaît sa montagne, il est le plus
qualifié aussi pour savoir comment vit
l'atmosphère dans son secteur. Il a sa propre
expérience (les "signes"), assez souvent
construite douloureusement, contre des éléments
naturels rudes, dangereux, qui ne laissent aucune
place au dilettantisme. Il a hérité des
enseignements de plusieurs générations de pairs.
Quoi de plus logique que sa parole soit d'or dans
un échange avec son "client".
Le météo qui arrive dans la Vallée
n'est pas un magicien ; il représente une sorte
d'éclaireur du progrès scientifique. Tâche
extrêmement délicate, pour plein de raisons.
D'abord, je suis un enfant des plaines. Mon
attirance pour la montagne, je la dois à des
vacances, et, pour ce qui concerne Chamonix,
aux romans de Roger Frison-Roche (impressionné,
en
particulier, par ces pages sur l'orage, la menace
mortelle tapie dans la ouate impalpable de la
nuée, les "abeilles"...).
Quelle chance d'avoir pu exercer ma passion dans
cet univers... et rencontrer le grand écrivain !
Je ne suis qu'un randonneur amateur, je me sens
comme un "rampant".
La météo de contact existe depuis longtemps au
service des pilotes, exercice que j'ai un peu
pratiqué, qui m'a séduit par sa complémentarité,
très humaine (le savoir de l'un épaule celui de
l'autre, et inversement, par le "feedback").
Rampant sincèrement impressionné par ces "conquérants de
l'inutile", dont je côtoierai les plus
grands noms. De plus, mon expérience de
prévisionniste en montagne est dérisoire, comme
celle de tous mes collègues d'ailleurs. J'ai bien
fait un stage de préparation à Bron, mais la
montagne en est bien loin, sinon physiquement du
moins dans sa vie intime. Pendant deux ans
toutefois, je me suis appliqué - c'était ma
mission - à analyser des quantités de situations
de toute nature, et j'ai essayé d'en comprendre le
comportement sur le relief. Météo de labo, avant
la météo in vivo.
Première préoccupation : la sécurité.
C'est la raison première de la création de
l'antenne estivale expérimentale. Cela ne fait
aucun doute, elle ne doit faire l'objet d'aucun
compromis. Combien de fois n'ai-je pas entendu
insinuer par des alpinistes visiteurs mécontents
(la porte était ouverte à tous) que je recevais
des consignes, dans un sens ou l'autre, soit de l'Office du
Tourisme, soit de la Mairie, soit des professions
touristiques, soit de ma hiérarchie ?... JAMAIS !
J'ai toujours été complètement libre, ce qui n'est
pas forcément confortable, mais indispensable. La
seule pression qui s'imposait à moi était, de
temps à autre, la déception, l'agacement, la
mauvaise humeur bien compréhensible du public (la
mienne aussi !), lorsque le mauvais temps durait,
contrariait les projets des semaines entières (et
la période était riche d'"étés pourris" lors de
ce fameux "palier"
des années 50 à 80). Pression prégnante,
psychologique, lorsque, dans ce contexte
d'intempéries persistantes, je ratais une bonne "fenêtre",
la demi-journée ou la journée de transition
fugitive qui aurait permis une belle sortie.
Grands noms ou pas, les professionnels
de la montagne y gagnent leur pain quotidien, en
prenant en charge des passionnés qui leur confient
leur sécurité, leur vie. Par respect, doublé
d'admiration, ma seconde forte préoccupation est
de perturber le moins possible l'exercice de ce
métier noble et exposé. Et si possible, d'être
assez habile pour, justement, annoncer à temps le
bon créneau qui semble se préparer. Il serait trop
facile d'"ouvrir
le parapluie", d'appliquer un trop
systématique "principe de précaution", non dit à
l'époque mais implicite (jusqu'où la "marge de
sécurité" ?). Facile mais désastreux,
pour le monde de la montagne, pour la crédibilité
du test météo.
On est là face à un très difficile
dilemme, une contradiction fondamentale (feu vert
et feu rouge à la fois !). Ambiguïté aggravée par
l'état de l'art de l'époque. La prévision assez
fiable ne dépasse pas 48h. Les moyens sont loin
d'être anodins, mais ils sont encore bien
fragiles. Pourtant, avec moins encore (sans
l'apport satellitaire),
des générations de prévisionnistes ont fonctionné
ainsi, jusqu'à élaborer des "protections" pour les
premiers vols
transatlantiques, puis ceux des héros de
l'Aéropostale,
les Mermoz,
Saint-Exupéry,
Guillaumet,
fixer le "D-Day"
du débarquement... Alors, une seule réponse :
l'exigence. L'exigence pour prévoir sur "le fil du
rasoir", avec à l'esprit, constamment,
ces deux contraintes, ce double devoir. Il va sans
dire que cette éthique concernait l'ensemble des
usagers, pros ou non.
Comme toujours, le clivage, parmi les
guides, sépara, grosso modo, jeunes et anciens.
C'est dans la nature des hommes. Les anciens
étaient plus méfiants, certains, rares, très
rares, peut-être hostiles, évitaient mon regard
quand on se croisait. Les jeunes, curieux, voire
enthousiastes, venaient me voir souvent, avant le
"tour de
rôle", ou après. Je répondais à leurs
questions. A ma demande, eux faisaient une sorte
de compte-rendu informel de leur journée là-haut,
m'apportant des détails que je ne pouvais
connaître sur la force du vent, les conditions côté italien
ou simplement dans la Vallée Blanche. Les
échanges étaient fructueux aussi, de part et
d'autre, avec les "météo-sceptiques", parfois
portés à mettre le doigt sur mes erreurs, comme un
réflexe de défense nostalgique. J'ai bien compris
que leurs réticences ne s'appliquaient pas à
moi-même, qu'ils étaient seulement bousculés par
l'intrusion d'une nouvelle ère, qui leur donnait
un vertige qu'ils ne connaissaient pas, même dans
les parois les plus abruptes. Nous
partagions nos connaissances. Eux me confiaient leurs "signes",
que j'essayais de traduire en langage physique.
Pour ma part, j'avais le gros avantage de pouvoir,
par les cartes reçues, étendre mon horizon
jusqu'aux rives du Québec. Je n'ai pas oublié,
parmi ces anciens, Gilbert, Pierrot, Norbert...
Ce dernier, notamment, m'apprit, sur le pas de
porte de la Maison de la Montagne,
comment certaines dalles rocheuses d'altitude
luisaient à l'approche du mauvais temps, comment
les cristaux d'une chute de neige pouvaient
soudain briller à la lumière des lampadaires, que
cela signifiait qu'ils étaient les derniers, et je
l'interprétai comme la conséquence du
refroidissement qui accompagne effectivement
souvent la fin d'une perturbation...
Lorsque je revins passer des vacances à
Chamonix,
l'année après l'avoir quittée avec bien des
regrets, je vis passer à vélo dans la rue l'un de
ces "anciens méfiants", avec lequel j'avais
souvent discuté, puisqu'il était guide-chef et
que, dès lors, nous nous voyions régulièrement
dans ou devant la Maison de la Montagne. Il me fit
un signe de la main. Puis descendit de son vélo et
vint demander de mes nouvelles. Ce geste spontané
me fit énormément plaisir. Il eût pu, sans que je
puisse trouver cela le moins du monde
anormal, se contenter de son salut. Quelque chose
de fort s'était donc bien installé durant ces dix
dernières années : le respect mutuel et sans doute
plus encore : l'estime. C'était
aussi la forte traduction humaine d'une "météo de
proximité", à l'écoute, pour et par les
utilisateurs, à l'opposé de la "météo-forteresse"
d'aujourd'hui.
En ces temps incertains, les erreurs
n'étaient pas rares, et mêmes les grosses erreurs,
malgré le soin apporté à les éviter. Lors de la
4ème ou 5ème saison, plus aguerri, je m'imposai la
notation qualitative de mes propres prévisions,
sans concession. Durant les 3 premières semaines
de juillet, j'arrivais à un quasi sans faute.
C'était inespéré. Et puis s'installa un de ces "marais
barométriques" perfides, où j'accumulais
les contre-performances. A conditions quasi
constantes d'un jour à l'autre, l'orage éclatait
ou bien le matin ou bien l'après-midi, voire pas
du tout. De longues éclaircies s'infiltraient au
hasard entre deux ondées. Désagréable impression
de jouer constamment la prévision aux dés. Et
ça pouvait durer 7 jours ou plus. Une autre fois, un front
ondulant dans un flux de SW, se stabilisa au
niveau du Massif Central.
Durant toute une semaine, je fus conduit à mettre
en garde pour le lendemain contre une sérieuse
aggravation, dans la perspective du décrochage
inévitable du système orageux. Et chaque jour, le
ciel restait d'un bleu lumineux, seulement
parcouru, au niveau des plus de 4000, de rouleaux
blancs éclatants, très rapides. A devenir fou ! Et
à se prendre un coup de fusil (on brûlait bien les
sorciers maladroits naguère...). Evidemment, je
m'en voulais. Mais le recul me permet de constater
que, 40 ans plus tard, ces types de temps donnent
encore bien du fil à retordre aux prévisionnistes
et des surprises douloureuses.
La météo,
depuis, a fait un bon qualitatif exceptionnel. Xanthia vient d'en
illustrer la fiabilité tout à fait étonnante
pour qui a connu les années pionnières.
L'ordinateur est plus qu'une aide à la
prévision, c'est la prévision. Pourtant, il
convient de rester humble face à la Nature. Beaucoup
réduire le champ d'incertitude n'est pas le
supprimer. Si les perturbations d'ampleur, dans
l'espace et le temps, et même les
exceptionnelles, sont désormais magnifiquement
anticipées, il reste nombre de circonstances
délicates non maîtrisées. Je pense bien sûr à
ces régimes orageux aux foyers ponctuels
éventuellement très violents (insaisissables
justement à cause de leur localisation
hasardeuse et de leur fugacité), à ces chutes de
neige catastrophiques pour la circulation,
suspendues à une différence de température
insignifiante, qui narguent encore le
cyber-météo. Le "fil du rasoir" reste un
challenge d'actualité. Il suffit toujours de si
peu, quelquefois, pour que le ciel affecte ou
pas, gravement, les déplacements, l'économie, la
santé, la sécurité.
Entre le "Grand Beau" et l'Orage, il n'y a souvent pas davantage que
l'épaisseur d'un flocon.
|
Jean-Jacques
Mollaret fut victime d'une avalanche,
le 24 décembre 1992, à la Foux-d'Allos, dont
il était le directeur. Il participait à un
déclenchement artificiel pour sécuriser des
pistes fortement enneigées en ce début de
vacances. Tombé dans un coma sans rémission, il
devait décéder le 10 mars suivant.
Loin de moi la prétention d'écrire sa
biographie. Simplement, je veux un peu évoquer
un homme que j'ai admiré pour son charisme, son
exemplarité professionnelle, sa proximité
chaleureuse et bienveillante.
Quand j'ai débuté à Chamonix, en 1969,
Jean-Jacques Mollaret, commandait le PGHM,
en tant que lieutenant (nommé à ce poste à 26
ans !). Quand on connaît la rudesse du métier,
les responsabilités que la fonction exige, cette
maturité est impressionnante. Maurice
Herzog, député-maire de Chamonix,
était, ès-qualité, président de la Société
chamoniarde de secours en montagne, Jean-Jacques
Mollaret en était depuis peu le
secrétaire-trésorier, c'est à dire la cheville
ouvrière.
A
partir de cette date, j'ai eu très régulièrement
l'occasion de côtoyer Jean-Jacques Mollaret
dans le cadre de ses diverses activités ou à
titre privé.
En
1972, avec Gérard Devouassoux, il crée l'Office de
Haute Montagne. Ils l'installent dans
l'ancienne cure devenue la Maison de la Montagne.
Cette imposante bâtisse traditionnelle
rassemble, pour la meilleure synergie, les
guides de la Compagnie de Chamonix, les
moniteurs de l'ESF, l'OHM et la météo.
L'OHM
propose, sous l'autorité d'un guide, d'abord André
Contamine puis Félix Martinetti, un
service d'information des alpinistes avec
hôtesses d'accueil, une documentation fournie
(dont une monumentale carte en relief du
massif), un registre d'enregistrement des
courses réalisées, où les détails consignés
s'avèrent précieux pour les projets des cordées.
La Maison
de la Montagne, dès lors, devient le
coeur palpitant de l'activité montagnarde,
qu'elle soit professionnelle, alpine, ou tout
simplement tournée vers la randonnée, la balade.
En 1973, promu capitaine, Jean-Jacques Mollaret
reçoit le commandement de la toute nouvelle Compagnie de
Gendarmerie de Chamonix. Gérard
Devouassous disparu dans l'Everest en
1974, il porta dès lors tout le poids du
développement de l'OHM. Je quittai la Vallée en
1979, tandis que le capitaine était devenu
commandant. Il m'avait dissuadé d'accepter ma
mutation pour Grenoble, car il considérait que
mon avenir était à Chamonix. Comme il ne
manquait pas d'humour, sur le moment, je me
demandai s'il était sérieux. Lui-même
s'éloignait du Mont Blanc en 1981 et termina
sa carrière militaire à La Réunion.
Lorsque la station météo devint permanente,
début novembre 1979, je souhaitai mettre à
disposition de tous un panneau d'affichage
devant la
Maison
de la Montagne. Jean-Jacques Mollaret
coordonna les compétences avec sa maîtrise
habituelle. Notamment celle du chef Léon
Roussel-Galle, son secrétaire, qui
sculpta, peignit, vernit, dota d'une pastille
aimantée, une multitude de superbes pictogrammes
météo à répartir sur une carte de la situation
quotidienne.
Personne à Chamonix n'a oublié sa
forte personnalité, son investissement dans
l'évolution des moyens de secours. Il s'est
battu pour que tous les refuges soient équipés
du téléphone. Ce n'était pas qu'un homme
d'administration, il payait de sa personne, il
donnait l'exemple. Je me souviens de ce jour,
où, revenu en vacances, je le rencontrai dans
son bureau de la Compagnie. Justement, il
m'expliqua que le chef doit toujours être avec
ses hommes dans les moments difficiles. Et il le
faisait. Il participait aux sauvetages. Il se
porta lui-même volontaire pour descendre dans
une crevasse afin de tester, en tant que victime
simulée, le "parachute thermique" (insufflation
d'air chaud pour éviter le refroidissement de
l'alpiniste coincé par la glace). En charge du
maintien de l'ordre, il s'était retrouvé, de
nuit, pistolet mitrailleur à la main, dans une
opération d'interception de voyous près du
viaduc Sainte-Marie.
Sans vouloir esquiver mes responsabilités, car
ces moments-là étaient forts, enrichissants, il
m'était arrivé de confier à un collègue le soin
de me représenter en Commission de sécurité,
pas pour me défiler, mais avec l'intention de le
valoriser, puisqu'il avait préparé la prévision.
Ce fut une leçon. Il témoignait en même temps
d'un grand respect pour ses hommes et je crois
savoir qu''ils lui rendaient bien ; il obtint
d'ailleurs pour eux des avancées importantes en
matière d'assurance.
Fort caractère, lui si prévenant ne mâchait pas
ses mots. Il se méfiait des bureaucrates
éloignés, coupés du concret. Malgré son action
professionnelle exemplaire, j'ai cru comprendre
qu'il avait dérangé les routines, que la
hiérarchie n'avait pas aimé. Il était
probablement trop compétent, trop franc, trop
grand... Si je m'en tiens à la presse
locale, il est très regrettable que son départ
de Chamonix
se soit accompli dans une discrétion que son
action novatrice, dévouée et courageuse ne
méritait pas. Dommage qu'il n'ait pas bénéficié
au moins - son oeuvre était tellement plus
engagée, plus grande - du même témoignage de
reconnaissance et d'amitié, fort émouvant,
unanime, auquel j'eus droit à mon départ deux
ans plus tôt.
Je
me souviens de lui lors de ces réunions où il
posait sa casquette sur la table pour expliquer
avec une autorité impressionnante, un propos
clair, fort et plein de bon sens, qu'il n'y
avait plus de capitaine mais seulement lui, avec
ses convictions, que s'il fallait tergiverser ce
serait en son absence. Je me souviens des
pique-niques qu'il offrait aux amis dans sa
maison de fonction des Bois. Un hôte
charmant, attentif, cultivé (quatre livres à son
actif). Une épouse accueillante, quatre enfants
éparpillés dans le pré alentour. Je n'ai pas
oublié qu'au printemps 1975, il me proposa de me
conduire au Mont Blanc. Je n'étais pas équipé,
je n'avais aucun entraînement, aucune expérience
de la très haute montagne. J'ai décliné. Je peux
me reprocher cette faiblesse, car je n'aurais pu
mieux être pris en charge...
Je
souhaite associer à cet hommage, tous les
secouristes qui concourent à la sécurité dans le
massif du Mont Blanc, dans tous les massifs
du monde, qui sont des partenaires obligatoires,
tant la météo pèse sur la rapidité et
l'efficacité de leurs interventions. En France,
cette mission revient, selon les sites, les
périodes, aux gendarmes des PGHM, aux CRS montagne,
aux pompiers,
aux pilotes
d'hélicoptères de la Sécurité
Civile, à des médecins. Avant
l'organisation administrative permanente, au
milieu des années 60, le secours fut dès
l'origine de la responsabilité spontanée des guides,
assistés bien plus tard par les militaires de
l'EMHM, lors de drames compliqués et
prolongés, quand l'hélico n'existait pas encore,
ou manquait de puissance. Les secouristes sont
des sportifs de très haut niveau, qui
s'entraînent constamment. Ils doivent maîtriser
avec excellence les techniques alpines les plus
sophistiquées pour être opérationnels "tous temps",
dans les circonstances les plus acrobatiques,
les plus exigeantes, les plus exposées. Les
pilotes, quant à eux, poussent leurs engins à la
limite de ce que leurs pales peuvent accepter de
proximité avec la roche, parfois malmenés par
des turbulences sournoises. Mais ce n'est pas
tout. Toutes ces difficultés extrêmes ne sont
rien à côté de la dimension humaine,
psychologique. Quand le sauveteur atteint et
évacue un corps disloqué, jeune le plus souvent.
Quand le chef ou son adjoint, jeunes aussi en
général, doivent maîtriser leur émotion intense,
trouver les mots, justes, compatissants et
terribles à la fois, pour annoncer l'implacable
aux parents, à la compagne, aux enfants... Tous
ces hommes-là ne roulent pas les mécaniques,
mais je sais qu'ils sont des héros,
intervenant constamment en haute saison. Anne Sauvy
illustre parfaitement les exigences et la
noblesse de leur profession dans Secours en
montagne, chronique d'un été
entier consacré à partager l'activité du PGHM
chamoniard.
Quelques semaines avant sa
disparition, je croisai par hasard, Jean-Jacques
Mollaret devant chez Arthaud, à Grenoble, en
civil (vision nouvelle, un peu étrange...).
Echange rapide. Puisqu'il était de retour,
qu'il avait de la famille très proche dans
l'agglomération, nous allions forcément nous
revoir de temps à autre désormais. Mais une
question me taraudait : Dites, quand vous
m'avez dit, en 1979, que je faisais une erreur
en acceptant ma mutation à Grenoble, vous
étiez sérieux ? Oui, bien sûr... On ne devait
plus se revoir.
|
Nuageux, savez-vous ce que le mot recouvre au juste ? Je suis persuadé qu'en questionnant plusieurs personnes on obtient des réponses très différentes. Certaines vont répondre couvert, d'autres un peu de nuage dans le ciel, d'autres beaucoup de nuages, et aucune réponse n'est idiote. Si on examine les bulletins de prévisions rédigés par les météorologistes officiels, on ne sera guère plus avancé. Pour preuve, il m'est arrivé de voir dans des messages diffusés par la télévision "nuageux avec éclaircies". On en déduit qu'il doit donc exister un "nuageux sans éclaircies", ce qui s'appelle tout simplement "couvert". La confusion est totale, même dans les rangs de Météo-France. On pourrait penser que la "démarche Qualité" qui a aboutit à un label "iso" authentifié, a mis de l'ordre dans ce vaste flou. Eh bien non. D'ailleurs la réflexion sur la Qualité n'a pas concerné la présentation des bulletins destinés aux répondeurs départementaux, dont les mots, les formules, la présentation n'ont pas bougé depuis 40 ans. Et pourtant les moyens de traiter les textes, d'y insérer des graphiques, des pictogrammes, des cartes, de la couleur, ont spectaculairement évolué durant cette période. Comme me l'a dit, il y a plus de 10 ans, un directeur d'Office du Tourisme : vos bulletins affichés ressemblent à des avis de décès. Je n'ai pu que l'approuver et lui affirmer combien j'avais pourtant oeuvré à mon niveau pour essayer de bousculer tout cela. Il revient évidemment au service public de donner le la, de définir une bonne fois ce que chaque terme technique représente. En utilisant constamment les mêmes mots, les mêmes expressions, Météo-France imprégnera le public de son langage, de son code implicite en quelque sorte. Il existe suffisamment de motifs d'incompréhension entre le rédacteur du bulletin et son lecteur pour faire l'effort de réfléchir, avec lui bien entendu (avec des associations comme la FFME, des représentants du monde du tourisme et d'autres, par exemple au sein du Conseil supérieur de la Météorologie, organisme paritaire justement prévu pour jouer le rôle d'interface entre le public et les spécialistes). J'ai moi-même constaté souvent et avec stupeur des interprétations opposées, optimistes ou pessimistes, du même texte que je trouvais pourtant limpide, selon l'attention à la lecture de l'usager, son niveau de connaissance météo, son humeur... Pour en revenir à mon "nuageux", j'ai préconisé depuis bien longtemps l'usage systématique des définitions suivantes pour l'état du ciel.
Remarques : . Un
ciel "clair"
est celui dans lequel aucun nuage
n'est présent (0/8). Une situation pas du tout
fictive. On la trouve, par exemple, fréquemment en
automne ou en hiver au-dessus des inversions.
Elle peut durer en altitude des jours entiers,
voire des semaines entières. Elle signe alors
spectaculairement le contraste entre le "grand beau"
du climat montagnard et la médiocrité des
conditions en plaine, attristée par le couvercle
sombre des stratus, l'humidité, le froid
pénétrant. De même le ciel "couvert" (8/8) accompagne
très souvent, et durablement, ces régimes
d'inversions hivernales en basses couches, mais
aussi, systématiquement, le mauvais temps actif
prolongé (pluie
ou neige). On
donne d'ailleurs le nom de "corps" à cette partie
bien spécifique des perturbations. Ces deux états
très caractéristiques méritent amplement qu'on
leur attribue une étiquette en propre. Entre ces
deux extrêmes, une gamme de cas que l'on peut
également parfaitement observer et prévoir. . Ayant ainsi un ensemble de classes bien codifiées (symétriquement d'ailleurs), on sait dès lors ce que représente sans ambiguïté "nuageux". . Il est même possible de préciser certains états par une extension circonstancielle. Le jour où, à Chamonix, au début des années 70, j'ai utilisé pour la première fois dans un message l'expression apparemment paradoxale de "beau temps nuageux", j'ai eu droit à des réactions étonnées, voire moqueuses, selon lesquelles je ne prenais pas beaucoup de risques : tout à la fois !... Et quand j'eus expliqué quel type de ciel je voulais ainsi décrire, chacun comprit qu'effectivement ça avait un sens. Imaginons tout simplement, par exemple, un ciel piqueté par 4 à 5/8 de ces petits nuages arrondis, blancs et sympathiques que l'on appelle d'ailleurs "cumulus de beau temps". Avec l'habitude, plus personne ne trouva suspect le "beau temps nuageux" ; le code était devenu partagé, météo et public parlaient, au moins pour cela, le même langage. C'est possible pour tout. Cette revendication d'aggiornamento de clarification nécessaire - en réalité un retour aux sources scientifiques - devrait s'appliquer à plein de paramètres, à tous les paramètres. Comment qualifier le vent : faible, modéré, fort ?... Il suffit de respecter des segments de vitesse précis. De même pour déterminer un écart de la température à la moyenne saisonnière. Les critères devraient être les mêmes partout à l'intérieur du service national, donc sur toutes les chaînes TV, à la radio, dans les journaux, sur le web : assez froid, modérément froid, froid, très froid... (pareil pour le chaud, symétriquement). Aucune raison de laisser libre cours à l'appréciation du prévisionniste local, qui fait comme il peut en l'absence de consignes. Ainsi, le Breton en vacances dans l'alpe saura, comme chez lui, ce que représentera comme sensation, éventuellement comme risque, telle ou telle locution.
Pour une meilleure compréhension réciproque,
pour une meilleure efficacité en gommant les
zones d'ombre, je crois qu'il faut inventer, ou
du moins retrouver, un langage météo commun, en
France d'abord
et pourquoi pas en Europe ensuite. |
Les
anomalies de température de janvier
caractérisent bien le caractère de l'ensemble
de l'hiver 2010.
Les "anomalies climatiques" sont des individus qui disposent d'une identité forte (écarts en plus ou en moins aux valeurs moyennes, quelle que soit la saison, en pression, température, humidité ; avec leur corolaires : nébulosité, vent...). J'en suis persuadé depuis le début des années 90, et n'ai cessé d'en suggérer l'étude dans MF. Je n'ai obtenu que des réponses polies débouchant sur le vide sidéral. Ce type d'études n'était pas à ma portée. Parce que j'étais affecté à un poste de gestion. Parce que, avant tout, je n'ai pas la compétence pour les conduire. Je suis limité à l'observation et l'intuition, à la proposition argumentée en direction de ceux qui manipulent les statistiques avec brio. Et dans notre France, c'est très court, le plus souvent rédhibitoire. Une anomalie naît, se développe, meurt, tout en se déplaçant, lentement souvent, voire très lentement. Sa durée de vie est de l'ordre du mois, souvent plusieurs, débordant même parfois d'une année sur l'autre. En somme, elles pilotent les "types de temps" et la longueur de leur influence sur des étendues à l'échelle de continents. Comme des poupées russes, les perturbations s'encastrent dans un niveau perturbé supérieur, aux échelles d'espace et de temps ; elles y sont soumises. Prévoir les anomalies, c'est approcher la prévision saisonnière. Une anomalie qui dure entretient durablement un type de temps. Et la persistance excessive est mauvaise conseillère : trop chaud, trop froid, trop sec, trop pluvieux... L'anomalie de 2003 a beaucoup tué en Europe occidentale, à force d'accumuler de la chaleur, en usant les organismes, de nuit comme de jour. Quoi pilotent ces phénomènes ? Les océans jouent un rôle sans doute déterminant, à l'instar de ce qui se produit pour El Niño ou son pendant La Niña. On peut imaginer qu'une distribution particulière durable des températures de grandes surfaces océaniques, dont la puissance d'influence sur l'atmosphère est gigantesque (échanges de températures mais aussi d'humidité), provoque en conséquence une répartition singulière de ces énormes engrenages que sont les "centres d'actions" (anticyclones et dépressions). L'organisation de ces rouages détermine la "circulation générale" du temps perturbé comme du "beau" temps (plus le beau dure plus il devient un problème, plus il devient "mauvais"). Les anomalies mesurent alors les écarts à la normalité. Ce dernier hiver a connu une inversion persistante du champ de pression habituel : trop fort au niveau de l'Atlantique Nord et de la Scandinavie, trop faible sur l'Europe méridionale et le bassin méditerranéen. D'où la grande fréquence des situations neigeuses, d'où, aussi, des oppositions violentes de températures en liaison avec cette donne insolite (Xynthia). |
L’été enfui me donne envie de revenir sur le traitement français de la Vigilance, plus particulièrement celle des orages. Et puis l’automne n’est-il pas aussi, sous une forme différente, un temps particulièrement fort des manifestations orageuses. Les “épisodes cévenols” sont au reste ceux au cours desquels l’orage est souvent le plus étendu et le plus productif, car boosté par l’”effet orographique” (percussion du vent contre les reliefs proches des côtes avec son cortège de soulèvement/condensation/précipitation). C’est une vieille histoire... Déjà dans les années 80, avec les “BRAM” (bulletins régionaux d’alerte météorologique), procédure mise en place, je crois, suite à la catastrophe de Vaison-la-Romaine à l’automne 1992, l’alerte était bien trop floue et surtout les procédures de distribution trop peu durcies (en l’occurrence l’alerte régionale de Marseille fut excellente). Par définition, elle s’appliquait à une trop vaste entité (on pourrait dire pixel aujourd’hui) : la région météo. Celle du Centre-Est s’étend de l’Auvergne à la frontière italienne et de la Bourgogne à la Haute-Loire). Un directeur de la Sécurité Civile du Nord des Alpes, agacé par cette approximation, a pu me confier un jour : il suffit qu’un orage soit prévu sur le Puy-de-Dôme pour que l’alerte s’applique à nous aussi. Ce n’était même pas caricatural. C’est ainsi que, fréquentant régulièrement un camping de Chamonix en bordure de torrent, j’ai pu recueillir les doléances - peu feutrées du reste, et je le comprends - du responsable qui en avait plus qu’assez de recevoir de la Préfecture des alertes inappropriées. Avec son sens de la météo locale, son professionnalisme qui le laissait en veille des nuits entières, il n’appliquait presque jamais les consignes d’évacuation qu’il aurait dû prendre, sinon c’était la fin de son activité, privé de clients, excédés par des dérangements parfois quotidiens en période orageuse estivale. L’alerte, partie de Météo-France selon une procédure bien trop peu sélective, glissait de bureau en bureau jusqu’aux responsables de terrain : une façon pour l’administration de refiler la patate chaude. En réalité, la procédure normale était dévoyée. Il était prévu que les Sécurités Civiles prennent contact avec leur Centre Départemental Météo (une des raisons fortes de la déconcentration du milieu des années 80 : la proximité avec le terrain et les besoins). Elles ne le faisaient pas toutes. Dans la mesure où Météo-France le savait, c’était - de mon point de vue - de sa responsabilité de rappeler, diplomatiquement, les consignes. Un exemple de laxisme qui pénalise l’usager et notamment les responsables de collectivités. Il a fallu Lothar et Martin, fin décembre 1999, pour corriger sensiblement le tir. La “Vigilance” est un progrès incontestable. Nécessaire mais non suffisant. Plusieurs aspects me chagrinent, compte tenu du potentiel technologique bien amélioré depuis 10 ans (efficacité de l’informatique, souplesse et multiplicité des moyens de diffusion de l’informatique : - Sur le plan sémantique, Vigilance n’est pas assez puissant. Il devrait y avoir au moins deux étapes. D’abord la “mise en Vigilance”, des individus mais surtout de la Sécurité Civile, plusieurs jours à l’avance. La Météo Suisse annonce le niveau de danger prévisible 5 jours à l’avance ! C’est un premier conditionnement préventif. Très utile pour organiser le planning de ses activités. Puis l’”Alerte”, lorsque le danger devient hautement probable, le plus tôt possible, 24h voire 48h à l’avance. Vrai que l’incertitude chronologique et spatiale, l’intensité de la menace varient beaucoup selon les phénomènes : une vague de froid massive est bien plus facile à prévoir plusieurs jours à l’avance que les inconvénients liés à l’instabilité (averses ou orages, en air froid comme en air chaud) ; aléas qui restent le lot de la prévision. Mais nos voisins savent faire, ou du moins poussent le service vers son mieux dans l’état de l’art, pourquoi pas nous ? - Le domaine d’application de l’alerte. En France, il est départemental. En Suisse, il descend au niveau de l’entité climatologique, liée la plupart du temps au contexte géographique (les épisodes cévenols tapent considérablement plus fort sur les contreforts Sud des Cévennes où le flux méditerranéen est violemment soulevé que sur les plaines côtières). Compte tenu de la résolution des modèles (de l’ordre de 2 km), il serait logique, dans certaines circonstances (notamment à cause de l’incidence de la vitesse du vent en régime instable), de justement découper le département selon ses particularités topographiques. Adaptation d’autant plus pertinente que ce découpage topo-climatique existe depuis... 15 ans dans MF, pour des applications opérationnelles largement validées. - Graduation des niveaux de risques. Les météos suisses utilisent une échelle à 5 degrés. Je la considère bien plus pertinente. Elle apporte incontestablement de la souplesse pour traiter les situations certes relativement fréquentes mais pourtant susceptibles de provoquer des dommages importants. Les gens concernés se moquent bien des considérations assez technocratiques de “durées de retour” ou de “surface” de la catastrophe ; ils ont de l’eau jusqu’au plafond dans leur salon au rez-de-chaussée, c’est cela qui compte pour eux. [Lors des inondations exceptionnelles de Draguignan, du bassin de l’Argens, en juin 2010, le département fut préventivement placé en Orange ; il méritait le Rouge. C’est un constat. Comme toujours ça n’était pas évident à l’avance. Mais MF a rétorqué aux sinistrés que le Orange était justifié, que l’extension du phénomène n’était pas assez vaste pour annoncer du Rouge. Comme si la surface primait l’intensité, comme si elle avait le pouvoir de muter le Rouge en Jaune. Rejet cynique de la réalité, mépris des victimes]. Et d’abord, pour la mobilisation opérationnelle préventive des services de sécurité, il est primordial qu’ils obtiennent le plus tôt possible une évaluation de la gravité potentielle de la perturbation attendue. On sent bien que les prévisionnistes français sont embarrassés par les critères actuels. Monter en Orange correspond simultanément à une intensité et à une faiblesse de fréquence telles qu’ils hésitent. Alors, fréquemment, ils se replient dans le Jaune, qui devient dès lors un critère inodore et sans saveur. Tellement discret en effet que sur les cartes de Vigilance, le phénomène en cause n’apparaît même pas explicitement. Je répète que je trouve ce comportement détestable, irresponsable. Dès qu’il y a risque, même mineur (mais un orage violent très localisé est majeur pour ceux qui le subissent de plein fouet). un service public doit jouer la transparence. C’est tellement vrai que tous les pays d’Europe qui ont adopté la carte de Vigilance mentionnent très clairement (pictogramme) le météore menaçant. Voilà pourquoi j’estime qu’il conviendrait de s’aligner sur le protocole suisse, qui prévoit justement ces fréquentes situations embarrassantes où le danger est objectivement “ordinaire” mais cependant éventuellement grave, au moins localement (ce qui d'ailleurs ne signifie pas ponctuellement : cf. les inondations orageuses dans le Var en juin 2010). Ainsi se justifie le titre de cet article : souhait appuyé d’un niveau intermédiaire entre le 2 (Jaune) et le 3 (Orange) actuels. Les Suisses ont adopté le Jaune foncé pour cette classe ambiguë. Je les approuve. Je termine en signalant un paradoxe. Il demande aussi réflexion et solution. MF reste, en dépit de l’expérience et de la fiabilité et précision croissantes - surprenantes - des modèles, attaché à l’entité départementale comme unité de mise en vigilance. Ce cadre est d’autant plus grossier pour le public qu’en niveau Jaune on ne lui fournit même pas les précisions de chronologie et de localisation que les niveaux Orange et Rouge apportent avec les “bulletins de suivi” (clairement, il apparaît qu’on incite à interroger les répondeurs pour en savoir davantage...). On a vu ci-dessus qu’il est possible de faire une discrimination d’ordre topographique (le relief joue un rôle déterminant pour l’organisation des vents, la répartition des précipitations, et, imparablement, pour la température). Et, dans le même temps, l’opérateur public fait parfois de la “dentelle” en ciblant un seul département tandis que d’autres contigus paraissent tout autant menacés. Le cas vient de se produire avec un épisode cévenol - et il est loin d’être exceptionnel. L’Hérault fut mis en Orange, ce qui était légitime (et vérifié pour le secteur relief), malgré certaines protestations a posteriori des résidents côtiers qui n’ont reçu que des pluies banales, mais pas les autres départements méditerranéens, alors que des pluies intenses - et somme toute prévisibles dans le contexte - se sont abattues sur les Alpes Maritimes, et au-delà le secteur de Gênes où elles furent catastrophiques. Les risques associés à l’instabilité - chaude mais froide aussi - restent tellement aléatoires, malgré la qualité des prévisions numériques, qu’il me paraît imprudent de finasser. Dans la recherche perpétuelle de l’idéal, la logique et l’efficacité justifient, lorsqu’il s’agit de menace, le calage préférentiel sur la partie haute de la fourchette de probabilités que sur sa partie basse : choisir l’excès de précaution (par principe) plutôt que le déficit, le tout, évidemment, dans un esprit de grande rigueur et responsabilité professionnelles (“ouvrir le parapluie” serait faillir). Ce qui me conduit à nouveau à défendre la nécessité du niveau Jaune foncé (2+ ou 3-). En matière de sécurité, tout potentiel vérifié de progrès doit être répercuté rapidement vers l’opérationnel. Il y faut une prise de conscience prolongée par une réflexion. C’était ma contribution.
|
J’ai eu l’occasion, justement dans ma première “humeur”, car cela me tient à cœur, d’évoquer l’opacité de Météo-France en ce qui concerne l’accès aux données observées par son réseau de stations automatiques. Les circonstances me donnent l’occasion d’”en remettre une couche”. Récemment,
MétéoSuisse a informé
ses usagers qu’elle mettait en ligne -
gratuitement - l’ensemble de ses stations de
mesures sur Google Earth. La
nouveauté c’est la mise à disposition sur
cette application, car le service suisse a
toujours offert les données de son réseau,
dont la mise à jour se fait à la cadence de
10’. Lien. Météo-France fait de
même, enfin à beaucoup près... On peut avoir
accès depuis peu au réseau des stations
météo automatiques françaises sur Géoportail. C’est magnifique !
Oui mais, si on obtient effectivement la
liste des stations, leur emplacement, la
nature des paramètres mesurés, pour ce qui
est des données... il faut passer à la
caisse. Lien. Voilà bien deux conceptions radicalement opposées du service public : une ouverte, l’autre fermée. Je suis prêt à parier que très peu de clients achètent les données des stations françaises. Qu’en conséquence les recettes doivent être dérisoires (je me répète : c’est un service particularisé qui doit se faire payer, pas les données brutes déjà financées par le contribuable). Donc, il serait autrement plus efficace d’adopter la formule suisse. Elle rapporte, à n’en pas douter, une utilisation certainement conséquente, des prises de décision heureuses et protectrices, un surcroît de sympathie envers le service national. Une conséquence très fâcheuse, voire dangereuse, de ces errements hexagonaux s’affiche spectaculairement quand on veut obtenir des informations via des sites comme The Weather Channel, probablement le portail privé qui distribue le plus d’information météo au monde, qu’on trouve d’office dans les iPod, par exemple. Si on demande “Chamonix”, on obtient des informations tronquées sur le “temps sensible” (beau, pluie, neige...). Et des valeurs de températures instantanées mesurées absolument farfelues, et en tout cas bien trop froides. J’ai d’abord cru que TWC se rabattait, par défaut de données fournies par Météo-France, au “point de grille” modèle le plus proche et que, compte tenu de l’étroitesse de la vallée, ce point de référence tombait... à très haute altitude. Or, TWC, dans un souci de transparence louable, fournit l’origine de la température (et du temps sensible éventuellement). J’ai découvert avec stupeur que les programmeurs américains avait choisi Le Grand-Saint-Bernard, station du réseau de mesure suisse à... 2472 m ! (1 500 m de dénivellation c’est en routine de l’ordre de 10 °C de différence...). Depuis Atlanta, ces “subtilités” peuvent échapper, encore qu’il suffit de comparer les altitudes pour comprendre instantanément que l’erreur est grossière. J’en veux bien davantage à la politique malthusienne et maladroitement commerciale de Météo-France, dont on constate les conséquences néfastes, pour le tourisme notamment (des quantités d’internautes du monde entier s’imaginent que Chamonix subit un climat polaire !). Au reste, le cas n’est pas isolé : Grenoble est rattachée à... Chambéry, ce qui n’est pas trop pénalisant mais tout de même faux. Chez d’autres prestataires de service, j’ai notamment remarqué que Chamrousse reprend les données d’Annecy/Meythet, d’ailleurs positionnée à... 1050 m ! Bien sûr, quel que soit le fournisseur d’information météo, il est bien obligé, pour une multitude de sites, de prendre la station météo la plus proche comme rattachement. C’est valable si les conditions topographiques sont équivalentes (en plaine), mais ça produit des absurdités si on bascule d’une vallée à l’autre, d’un versant à l’autre ou si on néglige les différences d’altitude. En montagne, une petite distance horizontale entre deux sites correspond fréquemment à des différences climatiques considérables. Cette situation est d’autant plus grotesque qu’il existe à Chamonix même (Bois du Bouchet) et à Grenoble (aérodrome du Versoud) des stations météo automatiques très complètes de Météo-France. Deux cas, non isolés, de localités stratégiques qui, pour des raisons certes sans comparaison, mériteraient mieux et d’abord... vrai. L’écran suisse affecté au climat Dans Google Earth, la fiche technique de la SA du Grand Saint-Bernard. Un premier écran de développement des données récentes observées. Localisation des SA de l’Isère sur Géoportail ; fiche technique pour celle de Chamrousse. Données instantanées “observées” à Chamonix, telles que TWC les affiche. . Pas de “temps sensible” (présence humaine non permanente) ; . Température bien trop froide ; . Station d’observation référente : le Grand St.-Bernard ! |
Je suis sans doute un puriste, mais j’avoue que ça m’agace d’entendre le présentateur du JT annoncer les prévisions d’Evelyne Dhéliat (au hasard...). Je n’en veux pas à notre Evelyne nationale, fort glamour par ailleurs, mais à Météo-France qui ne défend même pas ses produits. Oui, ce sont les “prévisions de Météo-France”.En cette journée du 8 décembre 2010, doit-on dire noire ou blanche ? sur Paris, l’Ile-de-France et davantage, sous cette écharpe conflictuelle, où froid et chaud s’affrontent, il n’aurait pas été anormal (comme tant d’autres fois en situation de crise) qu’un homme de l’art, un porte-parole de MF pour tout dire, viennent commenter l’état des forces en présence sur le champ de bataille atmosphérique. Et le journaliste d’annoncer :
“attention au verglas pour demain matin.” Mais
le regel de la neige mouillée, des surfaces
humides est déjà en cours ce soir. La bise
souffle, se renforce, malgré le ciel chargé...
la température baisse. Aucune chance pour
qu’elle remonte avant les heures moins froides
de demain, si le Soleil fait un effort. Les
régions humides sont en train de devenir une
gigantesque patinoire. Les sinistrés sur les
routes pourraient bien y passer la nuit... © / AFP (site du Figaro) Le risque sérieux, étendu, mériterait vraisemblablement plus qu’une “”Vigilance Jaune” opaque. Souvenons-nous du 4 janvier 2003... Une “analogue”, tout simplement. NB : 22h42 locales. Au JT de F3, enfin une “Vigilance Orange Verglas” sur l’IDF, et encore, une ½ IDF. Dentelle... Et précipitation, car pas encore sur le site “Veilleurs du Temps” à ce moment-là. Jamais vue cette Vigilance,
communiquée par le JT de F3 de 22h30, sur le
site officiel de MF dans les heures qui
ont suivi. Sacré caffouillage !... © / Abaca (site du Point) |
Il a couru tant de
rumeurs fausses, hélas trop souvent colportées
par certains agents de Météo-France, qui n’avaient pas la
légitimité pour le faire, et qui n’avaient pas
le droit de distribuer à tous les micros ou
caméras leurs idées personnelles, que, disposant
aujourd’hui d’un document sérieux sur le sujet,
je tiens à le mettre en ligne. Il fut un temps,
pas si lointain, où ces entorses au “devoir de réserve” et à la plus
élémentaire honnêteté auraient été sévèrement
sanctionnées.
Voici donc un document que l’on peut considérer comme officiel, extrait d’un article récent du Figaro. On y découvre qu’à l’horizon 2017, terme du plan en cours de réorganisation du réseau météo de l’opérateur public, le nord des Alpes s’en sort très bien, ce qui est tout à fait logique. A cause de la complexité géographique, donc climatique, à cause aussi du dynamisme touristique et économique de cette région. Seul le Centre Départemental de Savoie, Chambéry/Aix, disparaît, ce département conservant Bourg-St.-Maurice. Les Alpes-du-Sud gardent le Centre Départemental des Hautes-Alpes, Briançon, mais perdent St.-Auban-sur-Durance, Centre Départemental des Alpes de Haute-Provence et station spécialisée de longue date dans l’assistance au vol à voile (base du SFA, service de la formation aéronautique). Si
j’ai bien compris, Grenoble
devrait
retrouver le rôle qu’elle n’aurait jamais dû
perdre de pôle musclé, pour au moins le nord des Alpes. Naguère, la capitale des Alpes disposait fort logiquement
d’une compétence prévisionnelle pour Dauphiné/Savoies (74, 73, 38, 05, 26). En 1979, la direction a
souhaité ma mutation de Chamonix à Grenoble avec l’intention de créer la
“grande
station des Alpes”. 1981 et la “départementalisation” en ont décidé autrement...
Dans une copieuse contribution interne à un
débat national sur la prévision, j’ai, en 1996,
préconisé cette articulation. La météo de montagne réclame une présence
horaire plus grande - pourquoi pas un système
d’astreinte dans les situations délicates,
prévisibles désormais ? - que celle actuellement
assurée par les Centres
départementaux, dont les 1ers bulletins ne
sont disponibles au mieux qu’à 7h30, et qui
ferment vers 17h30/18h. Des évènements
difficiles à prévoir, comme les orages
nocturnes, méritent des alertes spécifiques
(actualisation des répondeurs pourquoi pas en
pleine nuit, SMS, comme le fait si
pertinemment la météo suisse). Si la
réorganisation est conduite avec cette ambition,
avec le souci de bien répondre aux besoins très
spécifiques des “usagers-montagne”, les Alpes devraient y
gagner. En ce début d’année, je ne peux que le
souhaiter. J’ajoute un autre voeu, cette fois
pour le temps
courant : que chaque centre restant participe
activement à la collecte d’observations
complètes (temps
sensible :
pluie, neige, orage...) et que, comme en Suisse,
encore, les données des stations de mesures
automatiques soient continuellement, et
gratuitement, fournies en ligne. L’évolution
annoncée devrait être l’occasion d’une réflexion
approfondie et d’une rupture positive. NB : Une information lue ce matin explique que des Centres interdépartementaux vont être créés (donc Grenoble sans doute). Qu’ils seront notamment chargés de “prévision conseil”, par abonnement. Une prévision sur mesure, en relation directe avec le client, à l’instar de ce que pratique Météo Suisse depuis des années (et nombre de prestataires privés). Une forme d’assistance pour le moment un peu déconsidérée par les prévisionnistes officiels (si j’en crois les réactions des uns et des autres...). Et pourtant, hormis l’aspect coût dont je ne veux pas parler ici, l’engagement personnel que suppose, qu’impose ce mode de relation doit logiquement aboutir à un progrès du prévisionniste tenu à une sorte d’”obligation de résultat”, au moins moralement. D’ailleurs, rien de nouveau sous notre Soleil : durant de longues années les météos recevaient des pilotes pour fournir des “protections de vol” ; j’ai moi-même pratiqué ces échanges directs (visites ou téléphone) tout le temps que j’ai exercé à Chamonix. Outre l’aspect “aiguillon”, la relation humaine en “face à face” est mutuellement enrichissante. Mais exigeante !... |
On sait combien les Chamoniards se sont mobilisés contre la réouverture du tunnel du Mont-Blanc après le tragique incendie de fin mars 1999. Leur crainte : voir revenir la pollution après la pause de remise en état, et surtout la voir s’accroître au rythme de la croissance de la circulation des poids lourds. Ce que j’explique ci-après ne résulte pas de mesures. Il ne s’agit que d’hypothèses, d’une réflexion qualitative, à partir des mouvements ordinaires de l’atmosphère. Les brises : La Nature, ayant horreur du vide mais aussi des “têtes qui dépassent”, s’arrange pour niveler. Ainsi, l’érosion, patiente, transforme une montagne en plaine en quelques centaines de millions d’années. Les différences de températures atmosphériques se traduisent en inégalités de densité : mis en concurrence dans un espace commun, l’air froid plus lourd tombe tandis que l’air chaud plus léger monte. En conséquence, et sans entrer dans les détails, la présence ou non du soleil, modulée par les saisons, se répercute en brises spécifiques au relief. - En hiver, les brises amont (air lourd descendant) sont largement prépondérantes ; - En été, les brises aval (air léger montant)
l’emportent.
Brises de nuit (amont) et brise de
jour (aval) - Croquis de Dominique Schueller.
Les glaciers interviennent dans ces
échanges puisque, à leur contact, ils
provoquent des refroidissements d’air
complémentaires. Brise de glacier - Croquis de Dominique SchuellerAinsi, très schématiquement, la
vallée de Chamonix est soumise à des courants
descendants en hiver, ascendants en été. Les
premiers évacuent le froid formé sur les
pentes vers le bassin inférieur de l’Arve... et avec
lui les pollutions. Les seconds transportent
les excédents relatifs de chaleur vers les
cimes, où ils sont ensuite récupérés, puis
éloignés, par les grands flux d’altitude. Avec
eux montent et s’échappent l’humidité (nuages
éventuels) et les impuretés, naturelles ou
non. Circulation schématique des brises amont dans la vallée de Chamonix (carte Google)Le tunnel du Mont-Blanc et sa rampe d’accès se situant en aval de la ville de Chamonix, on peut donc penser qu’en hiver (et plus généralement au cours des nuits, quelle que soit la saison) les coulées froides évacuent les rejets des pots-d’échappements, comme ceux des cheminées domestiques, vers le bassin de Sallanches, puis au-delà vers le Rhône (l’air alourdi coulant selon la pente comme un liquide). Cette hypothèse semble vérifiée par les mesures des organismes patentés en suivi des pollutions, comme le PO.V.A (http://www.transalpair.eu/POVA/). J’en ai extrait la phrase suivante qui se rapporte vraisemblablement au bilan des contrôles réalisés dans Chamonix-même d’une part, à proximité de l’Autoroute Blanche d’autre part : "...les données acquises aux sites de référence de l’AIR APS (en milieux urbains) et considérées sur un temps court (heure ou jour) ne mettent pas en avant de façon nette des changements directement liés à la fermeture puis aux phases de réouverture du Tunnel du Mont Blanc. Ces changements sont par contre très perceptibles pour les sites influencés en bord de route." Comme on peut s’en douter, en bord de route le niveau de pollution est strictement liée à l’intensité la circulation. Par contre, surprise relative, Chamonix paraît, pour l’essentiel, soustraite aux influences nocives. Si ce constat est confirmé, la “marée” des brises
journalières et saisonnières jouerait donc
bien un rôle bénéfique pour la capitale de
l’alpinisme. Mais le tableau n’est
probablement pas aussi propre pour... ceux qui
vivent en aval.
******************************************
Extrait
d'un article concernant la pollution dans une
situation hivernale stable, caractérisée par un
anticyclone qui emprisonne humidité et pollution
sous une forte inversion de température (base de
l'inversion vers 1400 m le 29/01 à 0000. TU à Payerne). Dauphiné Libéré
du 29 janvier 2011 "Le niveau d’alerte à la pollution aux particules fines est activé sur l’agglomération Cluses-Sallanches jusqu’à 16h. La préfécture a publié un arrêté
statuant que “la vitesse maximum autorisée sur
l’ensemble du réseau routier et autoroutier de
l’agglomération Sallanches-Cluses est réduite de
20 km/h par rapport à la vitesse maximale
autorisée si cette dernière est supérieure à 70
km/h”.
|
02 février 2011
Il fait relativement froid
depuis plusieurs jours, surtout parce que
un anticyclone tenace scotche de la
grisaille dans les basses couches. Le
redoux se prépare. Il a envoyé un premier
émissaire, une perturbation qui fait la
trace. Faible, elle ne produit que
de la bruine. Oui, mais une bruine dense
qui verglace les sols froids, là où elle
tombe.
Le 2 février, à 9h40 loc., une vaste zone soumise au verglas s’étire de la Gironde à la Belgique (Meteociel.fr) Ce même jour, Vigilance Jaune, datant de 6h loc. (Meteofrance.com)Mon propos n’est pas de critiquer la prévision, de prétendre avoir prévu l’ampleur du phénomène. Même si c’était vrai, il serait indécent de l’annoncer... après. C’est une opportunité pour revenir sur des remarques que j’ai déjà faites en m’appuyant sur cet exemple concret. “Soyez vigilants si vous pratiquez des activités sensibles au risque météo...” recommande la Vigilance Jaune. Marcher, rouler entrent bien dans cette catégorie, si on joue sur les mots. De toute évidence le niveau de risque était d’un autre ordre. Fallait-il utiliser le Orange, comme l’ont fait Hollandais et Belges dans la nuit précédente, pour le même aléa ? Possible, vu l’étendue de la surface verglacée. Et l’on se rend compte, à ce propos, que le risque n’est pas strictement lié à l’intensité du phénomène météo, mais à ses conséquences : 1 mm de verglas généralisé est bien pire que 10 cm de neige fondante. Je persiste à considérer qu’il est indispensable d’ajouter, comme en Suisse, un “4ème risque”, qui pourrait donc correspondre à ces circonstances ambiguës, où pas grand chose dans l’atmosphère correspond à un vrai danger sur le terrain. En occurrence, on se rend bien compte qu’il est parfois illusoire, même avec les outils modernes les plus performants, de vouloir précisément prévoir le phénomène lui-même (pareil pour le brouillard, les orages, neige ou pluie...). C’est un risque que l’on annonce, une potentialité. Hier soir, la situation contenait un risque de difficultés de circulation pédestre et automobile. La météo Suisse utilise fort opportunément un Jaune foncé. Réserver le Jaune aux phénomènes limités dans le temps et l’espace (orages locaux, p.ex.) et utiliser le Jaune foncé pour ceux qui sont d’une grande extension (comme ce verglas d’aujourd’hui) me paraît de nature à mieux cerner la réalité des situations à risques. Un risque suffisamment sérieux
pour que chacun en soit informé par tous les
moyens accessibles au moindre coût. Hors,
que ce soit à la TV ou par Internet, le Jaune n’est accompagné d’aucune précision sur la nature du
phénomène attendu,
comme c’est le cas partout ailleurs en Europe (pictos explicites). Pour le
savoir, appeler votre répondeur habituel
(1,35 € TTC de connexion par appel + 0,34 €
TTC/mn)... J’insiste lourdement : il n’est
pas normal qu’un service public chargé de la
sécurité météo des personnes et des biens ne
soit pas parfaitement transparent dès le
moindre risque. La déontologie ne peut
s’autoriser ces déviances. En tout cas,
chacun l’aura compris, cette attitude me
consterne, me choque (et les autres Européens valident mon irritation). NB : En cours de journée, alors que je terminais cette réflexion, la Vigilance Jaune opaque virait à l’Orange sur le Nord-Est. |
Depuis le milieu des années 80 et la départementalisation, le premier bulletin de prévision est préparé pour 7h30. Le prévisionniste prend son service à 5h45, de façon à réaliser et transmettre en code OMM à Toulouse une première observation synoptique complète pour le “réseau” de 6h (0500 Tu en heure d’hiver, 0400 TU en heure d’été). Ces observations rassemblent des mesures objectives par station automatique et des évaluations humaines de l’état du ciel (nébulosité, nature et niveau des nuages), du temps sensible (brouillard, pluie, neige, averse, orage...), de la visibilité. L’observation achevée, c’est donc 1h30 qui est consacrée à la préparation du premier bulletin de prévision. Un bulletin particulièrement important, attendu par beaucoup (radios locales, professionnels, agriculteurs, particuliers, pratiquants des diverses activités de montagne, qui, souvent, réclament un départ précoce...). Il corrige éventuellement les décalages, bien naturels, entre les prévisions de la veille, distribuées par le répondeur depuis 17h30 ou 18h, selon les centres, et la réalité telle qu’elle se présente plus de 12h plus tard. Je suis convaincu que ce laps de temps de 1h30 pour fabriquer cette prévision initiale peut être réduit à... 1/2h, sans perte de qualité, évidemment. J’ai exposé cette opinion et mes arguments quand j’étais encore en activité, sans plus de succès que pour bien d’autres idées. La routine a force de loi... Je sais que des prévisionnistes amateurs, autodidactes, tiennent ce délai, pour des bulletins qui sont loin d’être ridicules. Ces gens-là exercent fréquemment des activités professionnelles qui leur imposent de pousser les feux. Alors, comment faire ? - Imprégnation préalable : Un prévisionniste n’arrive pas à la station sans avoir déjà une idée de la “situation générale”, du contexte “synoptique”. Comment ? Parce que, fréquemment, il a travaillé la veille. Par la TV, comme tout le monde. Et si, exceptionnellement (retour de vacances, p.ex.), il n’a pu regarder le JT du soir, il a la possibilité de se remettre dans le circuit par Internet, où l’on trouve tout ce qui est utile (quitte même à ce que Météo-France fabrique un programme protégé, dédié à cet usage). J’entends déjà certains hurler : les week-ends, les vacances sont sacrées ! Alors, que Météo-France accorde un crédit de temps spécifique, si la qualité est à ce prix (modique). Car la qualité c’est aussi la rapidité, la mise à disposition de l’information au meilleur moment du point de vue de l’usager/client. Je suis persuadé que quantité d’amateurs passionnés sont, en continu, imprégnés du contexte général (Europe/Atlantique) ; c’est tout de même bien à la portée des pros... Voilà bientôt 30 ans, j’avais initié un sondage par l’intermédiaire d’un mensuel montagne bien connu. A la question : à quelle heure souhaiteriez-vous le 1er bulletin ? le point moyen des réponses était très significativement 6h. Dans l’organisation actuelle (en voie d’évolution), cette heure-là n’est pas réaliste, mais 6h30 oui. - Segmentation : C’est à dire une architecture modulaire du message. Cette idée a été proposée, en 1994 ou 1995, par M. Jean-Pierre Beysson, alors P-DG de Météo-France. C’était un Énarque, il avait bien compris comment améliorer le fonctionnement de la chaîne de production. J’avais soutenu publiquement la formule en réunion, ce qui m’avait valu d’être qualifié d’”opportuniste” par mon directeur de Région, croyant, bien à tort, que je demandais à mes équipes de faire le contraire de ce que j’approuvais ostensiblement devant le patron. Le principe est celui de la subsidiarité : chaque échelon (national, régional, départemental) prépare la partie du bulletin pour laquelle il est le plus qualifié, reprenant à son compte ce qui a été déjà mis en forme par les échelons supérieurs. Le niveau national (Toulouse) travaille sur les grandes lignes, le niveau régional (Lyon pour le Nord des Alpes) affine, le niveau départemental fignole, “fait de la dentelle”, fort de sa proximité de terrain. Mais, on ne peaufine le détail que pour les courtes échéances, car au-delà c’est perdre son temps. Le schéma d’élaboration qui résultait de cette très bonne conception était le suivant : le département s’appliquait à préciser le segment des 24/36h à venir, reprenant sans rien modifier ou quasiment (ex : envisager du foehn si les vents tournent au sud dans les jours à venir) les segments préparés par Toulouse et en aval la prévision régionale. - Pas de cohérence sans discipline : Ce n’est toujours pas selon la “formule Beysson” que travaillent les départements. Ce qui est d’autant plus surprenant qu’au début des années 2000 une démarche Qualité a abouti à l’obtention d’un label de certification Iso 9001. En fait, les prévisionnistes reprennent le travail à 0, perdant beaucoup de temps à décortiquer les cartes jusqu’à l’échéance des 7 jours. Travail inutile, puisqu’il a déjà été fait par deux niveaux en amont. Doublement inutile parce qu’il aboutit, de toute façon, à adopter la seule solution qui vaille... celle de l’ordinateur (et si ce n’est pas le cas, c’est grave, car c’est la porte ouverte à l’incohérence, à la “solution perso”, éventuellement différente à chaque fois qu’on traverse une limite départementale : l’ordinateur prévoit un type de temps, sa chronologie, personne, aujourd’hui, n’est plus capable de l’infirmer). Prétendre critiquer le modèle au niveau du département est complètement absurde : le niveau national transcrit dans ses “directives techniques” la synthèse de son examen critique du modèle, fixant ainsi pour l’ensemble des services décentralisés le “scénario synoptique” (il y a même une locution officielle pour la qualifier : “Trajectoire Synoptique de Référence” ou TSR); il faut l’appliquer sans discuter. Ça s’appelle discipline, ça s’appelle optimiser. - Dans l’urgence le réflexe affûté est capital : Le prévisionniste
départemental devrait donc se focaliser, en
arrivant le matin, sur le temps pour les 24h
à venir et pas plus, seul créneau où il
peut, à la rigueur, mais de moins en moins
vu la montée en puissance rapide des
performances numériques, moduler la solution
du modèle, éventuellement un peu bougée par
Toulouse. Et sur ce délai
de 24h, il doit - s’il s’est donc mis dans
l’ambiance avant même d’entamer sa vacation
- fonctionner par réflexe. C’est cela
l’expérience. On doit savoir au bout de 2,3
ans au même endroit (et les anciens sont là
pour transmettre les “ficelles”, réduire de
beaucoup ce délai) comment les vallées et
massifs du département réagissent à tel ou
tel type de temps. Au reste, l’ordinateur
prévoit excellemment la qualité et le tempo
du contexte (beau, mauvais, orageux, pluie
ou neige selon l’altitude...), et même de
plus en plus le détail (températures, vents
selon les sites, les niveaux, les accidents
du relief...). En somme, il ne reste plus
guère qu’à rédiger, à jouer le rôle d’une
interface médiatrice entre le high-tech et
le profane, à traduire le langage technique
des cartes en langage courant. - Forme light : Les maîtres mots étant rapidité et efficacité, il est évident qu’il faut rédiger autrement qu’à l’habitude. Commencer par dégager la “Situation générale et Evolution”. Quand j’ai proposé cela, certains m’ont rétorqué : c’est indispensable. Certes la description du contexte (mise en perspective des centres d’actions, des perturbations et conséquences induites par leurs déplacements) est utile, pour plein de raisons. J’en suis tellement persuadé que je suis l’origine de ce paragraphe dans les bulletins alpins, en imitant l’architecture des prévisions suisses des années 60, en le défendant contre ma direction régionale qui le considérait superflu. Et puis on cible l’essentiel, sans s’encombrer de périphrases, sans doute sympathiques à d’autres moments (et encore, la question se pose...). J’ai toujours promu les pictogrammes, ce qui amusait, au mieux (trop réducteurs, disait-on)... Ils sont devenus incontournables. Pour ce premier bulletin il faut utiliser en somme des “pictos textuels”, gagner du temps, tout en disant autant. Et pourquoi ne pas réinsérer, au répondeur comme sur Internet, si l’usager s’en déclare majoritairement frustré (ce serait étonnant d’ailleurs...), cette “Situation générale”, un peu plus tard, quand l’urgent a été traité ? Voilà pourquoi, je considère qu’il est possible, en rationalisant le travail, de gagner 1h sur la rédaction du bulletin matinal. C’est tellement vrai que je l’ai fait, il y a 40 ans, durant les étés de 1969 à 1974. Que mon adjoint l’a fait tout aussi bien de fin 1974 à 1977, 3 années où nous avons tourné à 2. A la prise de service, il fallait d’abord découper plusieurs mètres de cartes crachés par le fac-similé durant la nuit. Il fallait ensuite vite les préparer ces cartes (tracer, colorier), les analyser, puis faire une vraie prévision, tout au début sans la prothèse du modèle, en s’en méfiant ensuite, enfin rédiger le message (certes pour 48h seulement à l’époque). Nous y arrivions chaque jour en... 1/2h ! Oui, c’est possible !
Météo-France - Contour 500 hPa du 25 janvier 2006 |
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Je précise d’entrée que je n’ai jamais été qu’un skieur très moyen, que ma connaissance de l’avalanche est essentiellement théorique. Ces précautions posées, je reviens à mon propos. Donc, hier soir, Vigilance Jaune sur l’ensemble du Nord des Alpes, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. Conjointement, le présentateur - lui n’est pas en cause, il est bon, ils sont bons - annonce un “fort risque d’avalanche ; risque 4”. Holà ! Fort risque ! Voilà qui dans le contexte de psychose actuelle (le “nuage”, la guerre...) peut déclencher une certaine nervosité, un compréhensible réflexe de crainte dans les départements concernés, et surtout chez les touristes, la plupart du temps non au fait de ces choses-là, ce qui est bien normal. Serons-nous enfouis dans notre voiture en circulant ? Notre chalet va-t-il être balayé en pleine nuit (les fantasmes empirent toujours le danger...) ? Interrogations légitimes, puisqu’aucune précision n’est fournie par la TV. Pour tous ceux qui vivent en montagne, résidents ou passagers, pour les skieurs, il me semble que le Service public doit une information totale et transparente pour tous. J’ai examiné les bulletins des divers départements ; je n’y ai pas vu beaucoup de cohérence. Passons, je ne suis pas vraiment en situation de juger. Par contre, plusieurs points m’interpellent : - Pourquoi 4 en Savoie (le long de la frontière italienne) et pourquoi 3 dans les secteurs proches de l’Italie des Hautes-Alpes et de l’Ubaye ? Les conditions de fort enneigement récent par Lombarde furent les mêmes ici et là et même nettement supérieures dans les Hautes Alpes, à la lecture des messages. - Pourquoi la même Vigi Jaune pour tous les départements concernés, alors que le risque ne dépasse pas 3 en Haute-Savoie, Hautes-Alpes, Ubaye et Isère, alors qu’il monte à 4 en Savoie ? - Pourquoi afficher en couleur identique des départements entiers, alors que seule une frange frontière est concernée, et très concernée ? Nos amis suisses descendent, eux, à une échelle de l’ordre de celle la commune ? - Pourquoi, comme il se doit chez nous, et seulement chez nous - hélas ! -, la carte de Vigilance est muette si on clique sur la Savoie ou, tout de même, le risque est de 4, fort dangereux pour le hors-piste ? - Qui sait, dans le grand public, que les bulletins nivologiques de Météo-France sont gratuits et précisent ces choses-là, massif par massif ? Mais la formulation y est plutôt obscure pour qui n’est pas un familier de la nivologie. En cas de risque avéré, le citoyen n’a pas à aller à la pêche à l’info, c’est la puissance publique qui doit la lui délivrer. “4”, ça n’est pas neutre... pour les skieurs. 4, ça veut dire beaucoup de “plaques” (à cause des grosses quantités de neige froide récente, soufflée, transportée par de forts vents d’est - Lombarde) potentiellement susceptibles de céder, d’exploser et basculer dans la pente au passage d’un ou plusieurs skieurs en les entraînant. Et ce piège-là est sans doute le plus grave pour eux, par beau temps (les risques supérieurs correspondant à un mauvais temps généralisé qui dissuade les sorties). Par ailleurs, pour Monsieur Tout-le-Monde, “aucun” risque, a priori, de se retrouver enseveli en circulant ou dans son habitat (sinon le niveau de l’échelle serait à 5). Il me semble vraiment que ces
précisions méritent plus qu’une
communication floue à la Télé,
opaque ou tortueuse sur le site de Météo-France. © Schémas de Dominique Schueller - in "Petit manuel de météo montagne" (Glénat) |
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Bien sûr, j’ai de suite consulté la nouvelle formule. Pour le moment, je suis perplexe. Mais, c’est tout récent ; je ne prétends pas avoir fait le tour du sujet, il s’en faut.
Mes reproches d’emblée : - Assez difficile de savoir à quel instant précis correspond l’information affichée. C’est vrai pour un site particulier, mais aussi pour les cartes d’ensemble. - Pas d’indication de l’altitude du poste (indispensable pour plein de raisons : bonne identification géographique, repérage du niveau des chutes de neige, des inversions hivernales...). - Et puis, surtout, comment The Weather Channel (car c’est bien lui le partenaire météo, un peu masqué) obtient autant de données locales ? D’après leJournalduNet, elles proviennent de la Navy US, ce qui est très plausible. Par chance ces labos échappent au malthusianisme européen mesquin, poussé à son extrême chez nous par l’opérateur officiel.
Je n’ai pas encore découvert la martingale. Pour Chamonix, par exemple, alors que ces derniers mois, TWC rattachait cette station au... Grand-Saint-Bernard (9 °C d’écart en moyenne, pour n’évoquer que la température !), il me semble que la météo officielle de référence serait désormais Les Eplatures, aéroport de La Chaux-de-Fond, dans le Jura suisse. C’est déjà mieux, ne serait-ce que pour l’altitude. Amalgame osé tout de même !...
Pour faire un bon travail d’approche, il est indispensable en effet de trouver un site météo officiel de référence, à proximité et dans un contexte géographique aussi semblable que possible (altitude, environnement, orientation par rapport aux flux des masses d’air...). Assez simple en plaine, autrement plus compliqué en montagne. Partant de cette référence, il convient ensuite de procéder à des adaptations statistiques pour tenir compte des spécificités locales. Avec cette méthode, on obtient d’excellents résultats en prévision, en “apprenant” durant au minimum une année (toutes les saisons) comment une station de mesures locales, automatique et H24, réagit à l’ambiance synoptique en altitude (masses d’air en “air libre”, hors influence singulière du sol). La statistique permet de dégager des corrélations. Méthode adoptée avec succès pour les JO d’Albertville en 92.
La solution idéale serait que Google puisse utiliser les informations de la station automatique de Météo-France au Bois-du-Bouchet. Mais voilà, elle n’est même pas disponible sur Internet, ce que pour ma part je trouve scandaleux. Je m’en suis largement ouvert dans ces chroniques.
J’ai évoqué les lacunes de la météo de Google Maps, c’est pour en saluer les mérites. Pour le moment, nous recevons une version “bêta”, donc incomplète, donc perfectible. Je ne doute pas que Google saura vite pousser les feux. Pas eu bien le temps de tester la fiabilité des données. J’ai tout de même constaté des valeurs de températures étranges pour la Vallée de Chamonix (et ça n’est, forcément, pas exclusif, du moins en montagne). On obient un secteur en demandant par exemple Chamonix dans la fenêtre de recherche (on obtient le massif du Mont-Blanc, ses abords), ou bien France, ou encore Europe... Cette dernière requête permet d’avoir le recul suffisant pour obtenir une très intéressante répartition synoptique des perturbations sur l’Europe donc, plus l’Atlantique Nord. La nébulosité reste... nébuleuse dans cette version, mais néanmoins déjà très informative. Je souhaite qu’y soient vite ajoutés les échos de précipitations, les impacts foudre, le vent, le tracé des isobares... Une très très ancienne envie personnelle de présentation complète, accessible et belle pour le grand public.
Malgré ses imperfections, cette irruption fracassante du géant de l’indexation va considérablement faire bouger les lignes. Météo-France a toujours adopté une philosophie de distribution frileuse, que j’ai toujours combattue. La meilleure défense, c’est l’attaque, on le sait depuis l’éternité, pas le replis timoré. L’opérateur public a toutes les données, il lui suffisait de les distribuer en transparence, avec un accommodement graphique alléchant pour attirer une audience encore plus vaste et ratisser ainsi des quantités de recettes de pub (il faut bien vivre, je le comprends parfaitement, l’ai même proposé en son temps, bien avant que ce soit fait sur son site). Il n’est jamais trop tard pour se remettre en question et foncer. Puisque les données instantanées et prévues deviennent largement plus accessibles, la bataille concurrentielle se déplace vers la qualité de mise à disposition, l’affichage, l’innovation communicante, un dû au profane. En amont, dans un secteur si sensible à l’aléa climatique que le massif du Mont-Blanc, il revient, à parité, aux autorités locales de réclamer transparence et efficacité aux services concernés, pour des raisons de sécurité flagrantes (au moins le respect de l’obligation de moyens, autant que faire se peut). Vrai à Chamonix, vrai partout...
Pour le meilleur intérêt de l’usager-contribuable, qui mérite ce retour sur investissement.
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Les vacances de Noël commençaient, trains et voitures déversaient leurs flots de citadins venus se ressourcer quelques jours en montagne, y chercher la sérénité des cimes et, pour beaucoup d’entre eux, un décrassage des muscles et de l’esprit par la pratique des sports de glisse. Par chance, après un automne particulièrement sec, l’anticyclone immuable avait craqué, cédé le passage à de vigoureuses perturbations océaniques : la neige tant attendue, devenue presque inespérée pour les Fêtes, tombait depuis peu en abondance. Jusqu’à 2 m sur les Savoies, 1,5 m sur l’Isère, et de l’ordre du mètre sur les Hautes-Alpes. Superbe cadeau à l’entrée des vacances ! Sûr qu’il fallait mettre en garde tous ces affamés de “poudreuse” contre les dangers de l’avalanche, d’autant que la grande majorité en ignore les lois. Une mise en garde particulièrement nécessaire pour les adeptes du “hors piste”, pas toujours conscients des risques qu’ils encourent. Le domaine skiable “ouvert” étant lui “sécurisé” par les responsables locaux, qui interviennent si nécessaire pour “purger” la montagne de ses risques ou qui “ferment” tel ou tel secteur tant qu’une menace y persiste. Risque 4 sur 5. Pour les non initiés, cela ne signifie pas grand chose. Si, ils en retiennent tout de même que, tout près du haut de l’échelle, le danger est très sérieux. Une fois sur place, dans les Offices du Tourisme ou auprès des organismes de sécurité locaux (PGHM, gendarmeries, services des pistes, moniteurs, guides...), il est très facile d’obtenir des précisions sur la véritable nature du risque et sa localisation. Mais pour les parents, grands-parents, amis restés dans les cités, il n’en va pas de même. A l’écoute de telles annonces, il y a de quoi s’inquiéter : Quoi ? fort risque d’avalanche, les miens sont-ils en danger ?... Et de se faire du souci, et de s’affoler, et d’appeler dès que possible pour obtenir des nouvelles... De plus, par ignorance et crainte, ce peut-être aussi un argument pour différer ou annuler un WE à la neige. Choix compréhensible qui, répété en nombre, devient pénalisant pour l’économie touristique. Risque 4 : Lorsque le danger est médiatisé nationalement (avertissements distribués par la TV, les grandes radios, les grands quotidiens...), il signale d’abord une généralisation de “plaques à vents” sur le massif concerné par l’avis des nivologues. Lors des fortes tempêtes et dans les toutes premières heures qui suivent, la “poudreuse” est balayée par les vents forts de l’altitude. Les flocons chahutés, brisés par les chocs entre eux, s'agglutinent en structures compactes de quelques centimètres à plusieurs décimètres, à la surface du “manteau neigeux“ : les “plaques“. Elles ne sont pas facilement repérables par les non initiés (et parfois par les autres aussi...). Soumises à des tensions internes, raidies comme des cordes à piano, elles sont prêtes à exploser au premier choc comme un verre Sécurit. Il suffit du poids d’un ou plusieurs skieurs pour rompre l’équilibre des forces, pour que la “plaque“ se brise instantanément en multiples fragments et blocs, qui se précipitent vers l’aval, selon la pente. Gare aux skieurs embarqués par le flot !... Mais le risque 4, fort donc, correspond aussi, et c’est logique, à un risque potentiel de départs assez nombreux d’avalanches “naturelles”, d’ampleur moyenne, voire déjà importante. Un risque qui peut éventuellement se manifester seul, sans présence simultanée d’une multitude de “plaques”, si le vent n’a pas soufflé durant la chute de neige ou dans les heures qui l’ont suivie, ce qui est tout de même peu fréquent. Dans ce cas là, l’information du public ne mobilise pas les grands moyens, elle reste au niveau local.
L’”avalanche de plaque” correspond à un “déclenchement provoqué”. Sans surcharge accidentelle (homme, animal...) la “plaque” serait restée en place, plusieurs jours, avant de changer de texture, puis se fondre dans la masse. En régime de froid installé, ces pièges sont durablement tapis, éventuellement dissimulés sous quelques centimètres de neige fraîche déposée après leur formation. |
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On constate, non sans stupeur, une machine étatique absolument déconnectée des évènements. Les responsables politiques sont en vacances (ils en ont bien le droit, et même le devoir, pour reprendre reposés le collier des responsabilités), loin de se douter du drame qui se joue, surtout quand on a la chance de respirer un air un peu « rafraîchi » par les brises nocturnes de la montagne. Sur le terrain, les services hospitaliers, les pompiers, les entreprises de pompes funèbres font face à un afflux croissant de victimes, sont débordés, font ce qu’ils peuvent, et même bien davantage. Mais, bizarrement, l’information ne remonte pas jusqu’aux décideurs nationaux, jusqu’aux politiques : dysfonctionnement flagrant.
Le Professeur San Marco de Marseille, avait pourtant mis au point, suite à une canicule sévère et mortelle en 1983, un protocole efficace d’assistance aux victimes d’hyperthermie. Personne ne l’avait écouté quand il fit rapport de son expérimentation réussie (nouvelle illustration de ce “mal français” où personne n’écoute plus personne). Lui-même se sent coupable, si j’ai bien compris la fin du reportage, de ne peut-être pas avoir assez insisté pour faire connaître et reconnaître sa méthode.
Incontestablement l’Etat fut défaillant. Bien davantage par déficit évident de communication que par manque de moyens (on dispose de ce qui coûte cher, on ne finalise pas avec ce qui ne coûte rien : le partage). Mon idée de non-spécialiste des rouages administratifs est que l’accumulation de malchances fut flagrante aussi : cœur des vacances, usure des organismes après 3 mois de chaleur quasi constante (juin fut de l’ordre de 5 °C au-dessus des normes, ce qui est exceptionnel, en fait en Suisse le mois le plus chaud de tous devant... juillet 1983 ; juillet un petit ton en dessous n’apporta aucun vrai répit), « anomalie météo » insistante et sans doute jamais vue de mémoire d’homme. Je crois très difficile d’être bon la toute première fois. L’expérience provient des échecs analysés et digérés. En l’occurrence, il n’en existait pas à l’échelle nationale, et le dédain pour la réussite du Professeur San Marco provient sans doute que personne n’a cru que son acquis « méditerranéen » pourrait un jour servir partout.
Au fil de ce reportage, un intervenant de Météo-France plutôt discret. Selon l’opérateur historique cette canicule fut la plus sévère depuis… 1950. C’est très probablement faux. Au-début des années 2000, j’ai été excédé par cette manie du service public météo de limiter la profondeur d’investigation statistique à 1950, pour des raisons grotesques, purement technocratiques (définition d’un index national à partir d’un nombre limité de stations – une vingtaine je crois ; comme toutes les stations du panel n’étaient pas ouvertes avant 1950, on s’interdisait donc de bousculer cette butée purement fictive, alors que plusieurs séries de relevés très sérieuses existaient chez nous depuis le milieu du XIXème et que nos voisins savaient prendre beaucoup plus de profondeur). Cette « anomalie de température » exceptionnelle dans son ampleur… et surtout sa durée, ne s’est pas produite depuis certainement bien plus que 53 ans. Je suis surtout étonné qu’aucun responsable, d’où qu’il vînt, ne fit remarquer qu’à aucun moment ne fut lancé une « Alerte météo à la canicule ». En matière de climat, Météo-France est tout de même bien tout au sommet de la pyramide de signalisation, puisque sa mission est évidemment d’anticiper (prévention). Après les tempêtes de 1999, qui ne furent pas non plus un succès de prévision (encore un exemple de phénomène, cumul de phénomènes qui plus est, absolument inconnu, donc difficilement gérable), le dispositif d’alerte précédent – sa transformation complète prouve qu’il n'avait pas donné satisfaction - fut complètement bouleversé pour aboutir à l’incontestable progrès des « cartes de Vigilance ». Or ces cartes n’avaient ni intégré les dangers des « Grands Froids », d’autant plus accentués que le vent est fort (« windchill »), ni ceux liés aux « Fortes Chaleurs », d’autant plus pénibles que l’humidité est grande (« heat index »). A noter tout de même que les méfaits des excès des « températures ressenties » sont connus et largement médiatisés depuis longtemps en Amérique du Nord. Pour sa part, le danger « Surcote », familier et traité dans nos îles tropicales, où il accompagne les cyclones, fut ajouté, lui, après... Xynthia (et utilisé… moins d’une semaine après la terrible tempête pour le Cotentin et Saint-Cyprien). En conséquence, la Direction Générale de la Santé (DGS) ne reçut-elle, le 8 août me semble-t-il, qu’un « Communiqué de Presse de forte chaleur » avis destiné essentiellement aux médias, donc au grand public, mais qui n’a pas du tout la force, l’impact contraignant d’une véritable « Alerte », parce qu’il n’est pas conçu pour mobiliser ni les autorités, ni les services de Sécurité.
Anomalie de surpression à 500 hPa (NOAA), installée depuis février sur le Nord de l’Europe, en plein sur la France en juin, toujours présente en août.
Anomalies des températures mondiales en juin 2003 (NOAA). La canicule s’est installée. Au moins 5 °C au-dessus de la moyenne sur la majeure partie de la France et pays voisins. Un écart exceptionnel sur cette durée. Le sol s’assèche, même les orages locaux sont privés d’humidité et ne peuvent distribuer assez d’eau. Le sol surchauffe, jusqu’à la période tragique de la première quinzaine paroxysmique d’août.
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Depuis l’hiver dernier, L’Office du Tourisme de Chamonix a modifié de façon très spectaculaire la présentation de ses prévisions. Ceux qui me font l’honneur de suivre ces chroniques intermittentes ne seront pas surpris si j’applaudis très fort cette nouveauté. Qu’en est-il exactement ? - Utilisation d’un graphisme assez élaboré pour montrer une coupe verticale du secteur de Chamonix. Le relief justifie amplement cette représentation, où l’on voit schématisées les deux chaînes qui enserrent la Vallée : massif du Mont-Blanc et Aiguilles Rouges. Une coupe pour le matin, une pour l’après-midi, une pour la nuit, l’ensemble affichant avec précision l’évolution nuageuse (répartition, altitude de la base, épaisseur, activité...). Pas de doute, on comprend immédiatement. C’est incontestablement plus parlant et riche qu’un long discours aux termes pas toujours assez évocateurs. Un bond de clarté et compréhensibilité. - Tableaux sobres mais très instructifs sous les coupes. Ils mettent en évidence à plusieurs niveaux les températures, les vents, les épaisseurs de neige fraîche. Tous paramètres essentiels pour le confort et la sécurité des grimpeurs. - Cette formule graphique est reconduite pour le lendemain, tandis que les 3 jours suivants, étant donné l’incertitude grandissante, ne sont renseignés que par des pictogrammes traditionnels, pour les mêmes périodes. - L’essentiel de l’information se concentrant dans les images, dont le symbolisme est universel, il est devenu facile de les affecter à des versions multilangues : anglais, allemand, italien, espagnol. Efficacité multipliée pour honorer comme il se doit les visiteurs étrangers et assurer aussi, désormais sans l’ambiguïté de traductions de fortune, leur bien-être et leur protection. Inévitablement, ce bulletin new look ne peut que rencontrer l’adhésion de tous les usagers. C’est un début, il se perfectionnera à l’usage. Je suis bien certain qu’il fera vite des envieux parmi les autres stations de montagne et que sa dissémination rapide est assurée. D’autant que, préparé par Météo-France, supervisé par les prévisionnistes officiels locaux, il bénéficie de l’expertise des spécialistes ; l’usager dispose ainsi de la meilleure fiabilité. De toute évidence, un deal nouveau a été passé entre l’OT et Météo-France. Il efface plus de 10 ans de distance entre les deux organismes, de flou insupportable dans la fabrication et la distribution de la météo à Chamonix - à l’insu de presque tous - dû à un cavalier seul de l’Office en matière de prévision. Il fabriquait les siennes pour pallier les abandons successifs du Centre départemental de l’opérateur historique. Les prévisions “privées” se retrouvent à cette adresse : J’ignore quels sont devenus les liens entre l’Office et cette production parallèle qu’il a parrainé, de bonne qualité d’ailleurs, qui longtemps a alimenté - gratuitement - le web et l’affichage dans bien des vitrines et halls d’hôtel non seulement de la Vallée mais aussi des stations alentour. Elle a eu le grand mérite de proposer des bulletins en anglais aussi et de bousculer Météo-France par des prévisions à 5 jours, tandis que le Centre départemental se limitait à 48h. Il a dû s’aligner... Tout serait parfait, si ce dispositif ne s’était mis en place d’une façon très cavalière à mon égard. Un peu d’histoire... Lorsque je dirigeais la station météo de Chamonix, jusqu’en 1979, j’avais mis à disposition du public un panneau très complet, avec les bulletins de prévision mais aussi diverses cartes dont une résumant la situation du jour en utilisant des pictogrammes (voir dans les articles précédents pour les détails). Panneau très utilisé, apprécié, photographié... Dans les mois qui suivirent mon départ, la richesse documentaire était abandonnée et les pictos sculptés dans de l’arole, peints et vernis, dispersés ; bien vite ne restait plus que le bulletin texte. Par ailleurs, depuis Grenoble où j’exerçais dès lors, je multipliais les interventions pour défendre l’utilisation des pictogrammes par Météo-France ; j’ai eu droit à beaucoup de sourires incrédules. En 1985, je mettais au point un bulletin télématique (Minitel) pour une société de communication de la ZIRST (Innovation/Recherche) de Meylan. Très innovante, très consultée et appréciée, cette présentation révolutionnaire étendue à Dauphiné/Savoies - 1ère française, 1ère mondiale - offrait des cartes de France et régionales piquetées de pictos. Et puis, j’avais tenu à ce qu’il informe aussi dans la dimension verticale, celle de la pratique des activités et sports de montagne : une nécessité rendue accessible par l’évolution des technologies graphiques et de transmission. Le magazine contenait donc des coupes pour positionner les isothermes 0 et - 10 °C, les vitesses et directions de vent à plusieurs niveaux... et les nuages. Certes la définition du Minitel ne permettait pas un rendu aussi fin et beau que celui dispensé par l’OT de Chamonix aujourd’hui ; il n’empêche le concept était identique, 27 ans plus tôt !... Je raconte par ailleurs comment le projet fut ignoré par les instances de Météo-France et pourquoi l’expérimentation ne dura guère plus de 2 à 3 ans, portée à bout de bras par la Grande Traversée des Alpes (GTA). Ce n’est qu’à la fin des années 90, que Météo-France adopta enfin les pictos pour son site Minitel, puis celui du web. Depuis le milieu des années 80, je milite - seul, encore ! - pour une animation météo publique, H24, à destination des montagnards (images satellitaires des nuages, échos radar des précipitations, impacts de foudre, le tout en live désormais, images complétées par des données graphiques d’observations et de prévisions). J’ai multiplié les tentatives de persuasion de ma direction quand j’étais en activité ; j’ai poursuivi dans plein de directions depuis ma retraite en 2002. Échecs constants, scepticisme généralisé. Fin 2010, je prends contact avec un conseiller municipal de Chamonix. Il se dit intéressé. Au printemps 2011, je lui rédige un projet de lettre pour le P-DG de Météo-France. Il le met en forme, le signe et l’envoie. Je me fais aussi appuyer par une personnalité, et de mon côté, avec sa caution, je fais la même démarche par courrier. Le P-DG répond à ce soutien de bonne volonté, mais pas à moi... Lui 4 ans de Météo-France, une comète qui rejoindra demain un autre poste, dans un autre métier, moi 40 ans d’expérience, dont celle d’avoir en premier servi tout seul, 6 étés durant, la station météo naissante de Chamonix. En substance, le P-DG reconnaît la pertinence du projet, mais l’enlise dans des considérations de coût infondées (investissement : un PC, un écran plat, une ligne ADSL, un programme dédié sur un serveur de Météo-France interrogé automatiquement ; coût dérisoire, seulement de la bonne volonté). Mais, par ailleurs, le P-DG de Météo-France missionne la directrice régionale Centre-Est (Lyon) pour examiner le projet avec des responsables de Chamonix. Réunion le 16 août 2011. Je ne serai jamais destinataire du compte-rendu, ni par Météo-France, ni par Chamonix. Pourtant je suis à l’origine de tout cela. Elégance et gratitude ! Quelques mois plus tard, sort en ligne le nouveau bulletin graphique présenté ci-dessus et redémarre la collaboration perdue entre Météo-France et l’Office du Tourisme de Chamonix. Tout le monde m’a évacué : mépris maximum !... Il n’empêche : je revendique la paternité de cette innovation, qui fait écho à mon expérience Minitel de 1985, qui représente un premier aboutissement d’un combat personnel permanent, depuis ces années-là, pour mettre à la disposition du grand public - en montagne d’abord - une information météo moderne, exploitant tous les potentiels du high-tech (rapidité des transmissions, finesse et beauté des illustrations possibles, animations...). Inconcevable qu’il ait fallu si longtemps pour enfin dépasser le bulletin routinier de papa. Pour la première fois depuis mon départ en 1979, grâce aux secousses que j’ai provoquées en 2011, la météo de Chamonix repart de l’avant. Ces 30 dernières années furent effectivement émaillées d’abandons successifs : panneau d’affichage réduit au seul bulletin, puis plus de panneau du tout, repli après 1995 du Centre météo à Chamonix-Sud, isolé, bunkérisé, création avant 2000 d’une prévision concurrente par l’Office du Tourisme, réduction du volume consacré à la météo dans ce qui fut un Météosite dans la Maison de la Montagne et qui s’est transformé, fin 2009, en Pôle Risk Montagne. C’est un premier bon et beau pas. Je ne manque pas d’idées pour aller plus loin. Bien plus d’efficacité est possible en matière de communication, donc d’amélioration de la prévention pour les évolutions en montagne, avec très peu d’argent. L’ordinateur produit désormais des prévisions d’une qualité exceptionnelle ; il est bien temps de réfléchir aux solutions modernes pour les mettre à la disposition des usagers vite, agréablement, avec une efficience notablement accrue. Les prochains progrès sont tout trouvés : - animation publique H24 (cf. ci-dessus) ; - panneau d’affichage des bulletins, complétés par des cartes et autres documents pédagogiques ; - réalisation d’une Observation, comme dans les autres Centres départementaux, pour une distribution Internet en temps réel, nationale et internationale, du temps effectif à Chamonix ; - retour le plus rapide possible de Météo-France dans la Maison de la Montagne, sinon du Centre Départemental complet, ce qui n’est matériellement pas concevable (place insuffisante), mais au moins à travers le détachement auprès de l’OHM et du Pôle Risk Montagne d’un prévisionniste pour les mois de forte activité alpine, ce qui, là-haut, les concerne presque tous.
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Récemment, alors
qu'un refroidissement s'annonçait sur la
France (il fut plus inconfortable -
beaucoup de neige et/ou verglas sur
l'Ouest, le Nord, le Nord-d'Est - que
sévère, puisque seuls quelques secteurs
descendirent quelques jours sous les -10
°C), le service météo d'une de nos grandes
chaînes de TV annonça un "froid extrême".
Extrême !?!... On pense à -15, à -20. En
fait, il s'agissait de... -5 °C. Peu de
jours après, autre intervenant, qui
reprend la même formulation pour... -4 °C.
J'ai piqué une colère : Mais enfin, avec de telles valeurs prévues, on reste dans un froid très modéré, très normal, pour un mois de janvier ! Comme je m'en suis déjà expliqué plus avant dans cette chronique, les mots ont un sens, en science plus que partout ailleurs. Comment former le public à une compréhension conforme, si ceux qui sont chargés de l'instruire en la matière racontent n'importe quoi ? C'est inadmissible de la part de présentateurs qui ont des années de métier, d'expérience, qui se retrouvent quotidiennement au contact de prévisionnistes de Météo-France. Mais, pire, je me dis qu'il n'est pas normal que l'Opérateur public n'intervienne pas. Ce que j'entends, d'autres professionnels en activité ne l'entendent-ils pas aussi ? C'est impossible. Alors, que ne prennent-ils leur téléphone ou, du moins, que ne notent-ils pas ce dérapage quelque part, pour le faire le lendemain remonter sur la hiérarchie ? En l'occurrence, il m'apparaît clairement que la responsabilité et la culpabilité de cet à-peu-près inacceptable reviennent au service public en charge de l'information des usagers. Certes,
cet exemple est plus crispant que
grave. Mais il porte
du sens : la déontologie et la "Qualité"
réclament l'exigence ; elle n'est pas au
rendez-vous. Au reste, on retrouve ce
laxisme dans les bulletins de prévision
des Centres départementaux, que ce soit
pour la température ou d'autres
paramètres. Et que ce soit pour
qualifier aussi les écarts aux normes
dans les bilans hebdomadaires, mensuels,
saisonniers ou annuels : un écart
de 1 °C sous la moyenne, c'est normal ou
frais ? -2 °C, c'est frais ou assez
froid ? Et ainsi de suite... Et pour
tous les paramètres, comme les cumuls de
précipitations, d'insolation, pour les
vitesses de vent.... Il devrait exister une sorte de barème, une grille de codification, qui serait utilisée par tous les communicants, de Météo-France ou des médias. De façon que, peu à peu, des deux côtés de l'information, distributeur et récepteur, on comprenne bien la même chose. |
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L'actualité récente a mis en vedette la médiocrité de la "durée d'ensoleillement" du mois de janvier écoulé. Globalement, pour la France, il fut un des mois les moins ensoleillés depuis 1950. Le déficit atteint 50% sur le 1/4 NE, pire du Berry au nord de l'Alsace, avec, par exemple, seulement 11h27 à Auxerre, soit un déficit de 80% ! Sur le nord de la France, il a souvent neigé, et même si le froid et les précipitations furent globalement conformes à la saison, le ressenti le plus fréquent est que le premier mois de l'année fut accablant de grisaille et de tristesse. D'ailleurs, au moment où je rédige cet article, février lui a emboîté le pas deux semaines supplémentaires : le besoin de lumière est devenu obsessionnel. Les médias nous parlent constamment des températures, de la pluie, de la neige et du vent, mais bien moins de la "durée d'ensoleillement". Pourtant, le Soleil c'est notre énergie, c'est la Vie. Inutile de s'étendre sur l'influence qu'il a sur notre moral. Au point que, maintenant, pour combattre les coups de blues liés au déficit de lumière, des lampes spéciales reproduisent la lumière solaire dans toutes ses composantes pour de véritables cures de "luminothérapie". Personnellement, je regrette depuis longtemps que le public n'obtienne un bilan de Soleil à la TV, à la radio et dans les journaux, que le mois terminé. C'est long un mois ! Je suis persuadé que les gens manifesteraient de l'intérêt pour un suivi de jour en jour de l'accumulation d'heures de lumière naturelle. Certes le site de Météo-France affiche maintenant des bilans quotidiens très intéressants. Mais leur accès me paraît un peu compliqué : il faut une vraie motivation pour les chercher, les extraire et en comprendre le sens.
L'idéal serait de
pouvoir obtenir sur le web un
affichage au jour le jour. Il existe
dans la section "Climat" de
Météo-France.
Mais je préconise depuis longtemps
que, sur une carte de France,
soient affichées en permanence des
vignettes cliquables pour
agrandissement, qui fourniraient ce
type d'information. Bien sûr, pour
ne pas surcharger la carte, il
suffirait de sélectionner un panel
de stations représentant un type de
climat régional. Exemple : Nice a
atteint 157h
en janvier de cette année pour 158h
"normalement". Les contrastes
climatiques furent donc extrêmement
accusés, plus qu'à l'ordinaire et
leurs effets sur l'humeur tout aussi
spectaculaires. La méthode serait à
appliquer, bien sûr, pour les
températures et les précipitations,
de façon à obtenir une sorte de "tableau de bord"
en direct et continu des
fluctuations climatiques sur
l'ensemble du pays.
(données Météo-France) |
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“Meteo-France perd son contrat avec France2 et France3 national”... Quel choc !... Comment des services publics peuvent-ils ne pas s'entendre entre eux ? Si MeteoGroup (très dynamique, très créatif, dont les prévisions me paraissent très valables, issues de modèles internationaux réputés - je l'ai sur ma tablette) peut afficher un tarif attractif, pourquoi Météo-France ne s'aligne-t-il pas ? Depuis que MF est entré en commercial, il s'évertue à pratiquer des coûts dissuasifs, sans pour autant rechercher les qualités de présentation et de service optimales. Je n’évoque pas ici celle des produits, les "modèles numériques" de prévision, qui égalent les meilleurs, mais de celle de la mise à disposition, de la Com en un mot, du souci de l'usager et du contribuable. J'en connais plein d'exemples ; j’ai développé un certain nombre de ses conséquences dans cette rubrique. Résultat : MF, trop cher, trop gourmand, incapable de flexibilité, perd des quantités de clients (la plupart des journaux s'adressent à d'autres officines ; c'est le cas dans le Nord-des-Alpes du groupe du Dauphiné Libéré, qui reçoit ses prévisions de... Suisse). La démarche “Qualité” de MF, qui dure depuis des années, n'a pas privilégié la Com, la convivialité, la créativité... (je sais très bien de quoi je parle, pour avoir constamment proposé et réalisé de l'innovant dans ces domaines). Cette
sanction ahurissante et humiliante
pourrait être méritée : on peut penser que
le coût n'a pas été le seul critère qui a
pesé. Si les relations étaient excellentes
entre France-Télévision et MF, si la
satisfaction était au rendez-vous,
j'imagine que la poursuite du partenariat
aurait prévalu. D’autant que le service
public de TV est tout
de même le diffuseur
normalement incontournable,
bien au-delà de la logique libérale, de la
“météo facteur essentiel de
sécurité”, “de
prévention des dangers contre les
personnes et les biens”.
Souvenons-nous
aussi de l’abandon assez récent, sur
injonction gouvernementale, du siège
historique de l’Établissement,
au 1 quai Branly, on ne peut mieux situé à
Paris. Alors
que MF devrait
bénéficier du vent porteur, dans la mesure
où pratiquement tout le monde en a
quotidiennement besoin, pour la Sécurité, le Confort, l’Optimisation
de fonctionnement de
presque toutes
les activités (de l’Agriculture à la
Défense en passant par les Transports…),
alors que
l'évolution du climat inquiète à juste
titre, je ne suis pas certain que le
dossier de maintien sur place ait été bien
défendu. C'est Poutine qui a emporté le
marché sur ce site éminemment prestigieux,
pour y construire une église orthodoxe.
Bravo Poutine ! Sur un pareil emplacement,
tout près de la Tour Eiffel, du nouveau
musée des Arts primitifs, du Trocadéro,
des Champs-Elysées, il fallait, de mon
point de vue, à tout prix sanctuariser cet
héritage (on sait que certaines économies
du jour deviennent parfois de bien mauvais
calculs plus tard), pour y maintenir le
siège (“de la gueule” pour l’accueil des
VIP, notamment des étrangers), établir une
“cellule médias” musclée et un espace
public “musée-pédagogie” (on retrouve la Com).
A échelle bien plus petite, le même abandon a dénaturé la météo de Chamonix, à la fin des années 90. Météo-France ayant décidé de se retirer de la Maison de la Montagne, où sont regroupés la plupart des organismes décisifs (Compagnie des guides, moniteurs de l’ESF, Office de Haute Montagne...), pour aller s’isoler dans un sous-sol d'un immeuble de Chamonix-Sud. Ainsi le Centre météo tournait le dos à sa justification initiale, au service de proximité, qui prévalut lors de sa création en juillet 1969 au pied du Mont-Blanc (Chamonix étant par ailleurs la seule commune touristique française de ce standing - international - à bénéficier de la présence d’une équipe de météos professionnels dans ses murs, l'équivalent n'existant pas non plus chez nos voisins alpins). Un privilège d’exercer ce métier là-haut. En contrepartie, il impose des devoirs, une qualité de service supérieure, exemplaire. Le Centre météo local devrait être une vitrine, un laboratoire d'innovation et notamment de communication. Il existait d’autres solutions que cette fuite stérilisante ; je n’ai pu les défendre, n’ayant pas été consulté, malgré mon expérience, ma légitimité à fournir un avis que je crois autorisé. Les petits reculs préparent les grands... C’est
aussi, à la fin de cette décennie 90, à
cause d’une offre de service de MF trop
coûteuse pour le droit d’intégrer les
prévisions officielles à son site
Internet, que l’Office du
Tourisme de Chamonix a
préféré créer sa propre cellule de
prévision météo (!!!). Le bulletin de l’OT, de par
sa qualité (tant formelle que sur le
fond), sa disponibilité en langue anglaise
aussi… et sa gratuité, est largement le
plus distribué dans la Vallée, et très
certainement aussi sur le web, où celui du Centre
météo est
payant. Outre le fait qu’il est tout de
même incongru que l’OT soit
obligé de distribuer, concurremment, des
“prévisions maison”, alors qu’un centre
officiel est là pour cela (le contribuable
chamoniard a bon dos, qui les paye deux
fois…), une fois de plus, il s’avère que
des tarifs trop gourmands débouchent sur
un refus du client potentiel et, in fine,
sur une fuite de recettes.
A travers ces quelques exemples, on constate combien Météo-France |